The Glowing Man

Swans

Young God Records – 2016
par Michael, le 30 juin 2016
9

Avec The Glowing Man, Michael Gira a donc décidé de tourner une page, ou plus exactement de refermer le chapitre d’une des plus belles, pertinentes et vigoureuses reformations de ces dernières années. Comme le principal intéressé l’a déjà maintes fois annoncé, il s’agit avant tout de mettre fin à un line up, une formule et une émulsion qu’il aura tirée et exploitée jusqu’au bout de ses limites - celle et ceux ayant eu le privilège d’assister à l’une de leurs prestations ces dernières années sauront de quoi nous parlons ici.

Après le galop d’essai réussi que constituait My Father Will Guide Me Up a Rope to the Sky, les choses sérieuses ont commencé avec les monstrueux The Seer et son double bicéphale To Be Kind pour s’achever aujourd’hui avec ce nouveau double, qui s’avère dès les premières écoutes moins violent et jouant de plus de nuances que ses deux grands frères. Que l’on ne se méprenne pas, Gira n’a pas mis d’eau dans son vin, il a juste pris le temps de le carafer. Cela se traduit notamment par une production plus ample, plus riche, des strates sonores plus complexes (l’apport des cuivres, des chœurs féminins et du piano, très présents ici), et un équilibre plus poussé entre les différents instruments (notamment des guitares moins omniprésentes).

Les longues progressions sonores sont toujours développées par le groupe : trois plages de plus de vingt minutes, deux avoisinant le quart d’heure et quelques respirations bienvenues qui ne donnent que plus de relief aux monstrueuses excroissances bâties par Swans. On est bien dans la continuité de ce que Gira a tenté ces dernières années et ce que peu de musiciens osent : courir un marathon et pencher la tête au-dessus de la falaise en fin de course. Car repousser les limites auditives, nerveuses, physiques et intellectuelles pourrait paraître en soit une quête vaine et stérile, mais Gira est un être bien plus malin et complexe que cela et il n’y a qu’à examiner les textes et la qualité d’interprétation avec laquelle il les porte pour s’en rendre compte.

Il est d’ailleurs assez amusant d’entendre la version que celui-ci donne d’un texte déjà mis en musique par Sonic Youth sur Confusion is Sex (« The World Looks Red ») et de voir ainsi à trente-trois ans d’intervalle toute la pertinence du chemin parcouru et surtout de constater finalement à quel point ce chapitre qui se clôt rejoint comme la courbure d’un ruban de Moëbius le point de départ que furent les premières œuvres du groupe (Filth, Cop, Greed). On retrouve intactes l’exigence et le jusqu’au-boutisme sonore et textuel qui fait de Swans un groupe désormais largement reconnu, en tous cas bien plus que lors des années 80 et 90, période à laquelle la musique du groupe était paradoxalement plus accessible.

Le goût des autres :