The Call

Spitzer

InFiné – 2012
par Aurélien, le 17 octobre 2012
7

S'ils sont moins bruyants que des phénomènes comme Gesaffelstein dans le milieu de la techno sombre à gros kicks, les gars de Spitzer n'en demeurent pas moins deux challengers de poids qui, à l'instar de Marv dans Sin City, ont plutôt tendance "à faire dans le gore et le dégueulasse". Spécialistes d'une techno qui tape dur et se conjugue sans mal avec la violence de l'indus ou l'obscurité de la cold-wave, les deux frangins avaient sorti plus tôt cette année un premier EP, Sergen, particulièrement aguicheur et salace que nous n'avions pas hésité à comparer aux bandes sons des meilleurs films de l'âge d'or de John Carpenter. C'est d'ailleurs le même constat que l'on fera pour leur premier album The Call qui, en dépit de quelques grandiloquences, se révèle être un essai tout à fait brillant doublé d'un objet assez inattendu de la part d'InFiné.

Et il faudra sans doute passer en mode Assassin's Creed, la capuche vissée sur la tête et des envies de meurtre plein les esgourdes, pour apprécier la véritable cathédrale technoïde de The Call qui fait la part belle aux sonorités baroques. Car quitte à parler d'édifice religieux, hors de question de parler ici de la petite église branlante du bout de la rue : froide et désincarnée, la rave des lurons s'approprie volontiers l'espace d'un édifice religieux de grand standing pour faire résonner ses coups de sang rock ou sa moiteur céleste. Des moyens qui ne seront à dire vrai pas de trop vu l'extrême qualité d'un album qui, s'il se prend un peu les pieds dans le plat dans sa laborieuse entame, sait aussi nous faire du pied de façon un peu plus sexy en cessant de vouloir servir à tout prix la soupe.

Ainsi, on apprécie que The Call s'éloigne un peu des territoires arides de la techno pour s'ouvrir sur des contemplations d'ordre quasiment cinématographique qui en ajoutent à la tension ambiante d'un album tenu par un fil conducteur certes rocailleux, mais jamais lourdaud. Et qu'ils soient seuls sur des pistes comme "Vor" ou "Masbat" ou accompagnés des charismatiques voix de Fab ou Kid A - que l'on trouve pour le coup plus à sa place que sur le dernier essai en date d'Agoria - Matthieu et Damien Spitzer témoignent d'une grande maturité sonore. Autant donc dire qu'ils ont tout les arguments pour nous promettre de plus grandes choses encore dans l'avenir.

Vous l'aurez sans doute compris au travers de nos paroles, la techno baroque de Spitzer n'a pas rien à envier aux réalisations des collègues d'InFiné, sinon leur notoriété ou leur longévité : The Call est en effet un album tellement carré, riche et oppressant qu'il prêterait presque à danser au beau milieu de situations graves et périlleuses. Produit en parfait contraste avec les habitudes du label qui les héberge - et ici on pense bien sûr au nouveau Rone - le duo lyonnais réussit à aligner ici un joli paquet d'idées qui font de leur premier album un compromis intéressant entre les ambiances d'un Trent Reznor période The Fragile et le goût prononcé pour l'électroclash de mecs aussi recommandables que The Hacker. Bref, on valide.