Surfing

Megapuss

Vapor Records – 2008
par Nicolas, le 20 janvier 2009
8

Toujours aussi imprévisible, Devendra Banhart revient là où on ne l’attendait pas avec ce projet Megapuss sorti de derrière les fagots. Alors qu’on avait fondé des espoirs inconsidérés dans son dernier Smokey Rolls Down Thunder Canyon, qui nous a procuré les mêmes sensations qu’un chewing-gum trop mastiqué, le barde surprend tout son monde avec ce Surfing réalisé aux côtés de Greg Rogove (des excellents Priestbird dont on recommande chaudement le dernier In Your Time) et avec l’aide d’un certain Fab Moretti, le batteur des Strokes qu’on ne vous présente plus. À ce trio s’ajoutent quelques grands noms de la scène folk californienne : Purkey Remington, Aziz Ansari, Benny Bensi et surtout Noah Georgeson. C’est à se demander si l’auteur des superbes vignettes de Find Shelter, qui se retrouve toujours dans les bons coups, n’est pas la véritable tête pensante de cette joyeuse bande de hippies ? Si cela reste difficile à démontrer, il n’en demeure pas moins que Surfing est un album détonant, à défaut d’être réellement surprenant.

En prenant la discographie de Banhart en solo pour prisme, on pourrait globalement situer cet album dans la lignée d’un Cripple Crow. À l’instar de ce dernier, Surfing est une œuvre foisonnante où chaque idée passant par la tête de ses géniteurs semble être mise en musique. À ce propos, la façon dont les musiciens ont réalisé cet opus est hautement significative. Après s’être isolés quelques jours dans une cabane dans la campagne de Los Angeles afin d’enregistrer, ils retinrent principalement les premières pistes des morceaux. Et les concerts précédant la sortie de Surfing furent également annonciateurs de l’état d’esprit général, à mi-chemin entre kitsch et érotique, vu qu’on y retrouvait notamment un Devendra affublé d’une ceinture-pénis. Au-delà du propos extrêmement léger, entre blagues pornos et ironie politique sans oublier le clin d’œil appuyé à George Michael  (« Adam & Steve ») et à Bo Diddley (« A Gun On His Hip And A Rose On His Chest »), cet album déborde littéralement d’influences même si on y retrouve cette incontestable touche néo-folk. Des arrangements psychédéliques au goût prononcé pour la sunshine pop, Surfing charme par sa touche sixties plutôt appuyée. En couplant cela à l’esprit volatile et potache de l’effort, on obtient du bon Banhart, ce dernier semblant se régénérer au contact de ses nouveaux compagnons. D’autant que l’ensemble prend une tournure plus contemplative à mesure qu’approche la fin de l’effort. Passé « Sayulita », Devendra troque ses habits de bouffon pour retrouver ses tuniques un peu plus crades. Une façon de sortir par la grande porte de ce qui, sans ça, n’aurait été qu’un condensé de pitreries.

À l’heure où certains anciens adeptes de Devendra Bahnart le dénigrent pour la simple et bonne raison qu’il se trouve à la tête d’une des mouvances les plus tendances du moment, il faut tout de même lui reconnaître un immense talent. Certes, Surfing risque de prendre la poussière d’ici quelque temps, au contraire des Niño Rojo et Rejoicing In The Hands, mais il n’en demeure pas moins que cet album est d’une fraîcheur telle qu’il devient très agréable à écouter. Si d’autres n’aimeront pas le côté olé-olé ni même ne comprendront le second degré, nous y verrons de notre côté un Banhart en excellente santé. A défaut d’avoir livré le chef-d’œuvre incontestable qu’on attend depuis quelques années. Patience donc et, faites comme lui, profitez !

Le goût des autres :
7 Fabien