Sun

Cat Power

Beggars – 2012
par Pauline, le 18 septembre 2012
8

On l’a lu partout: Cat Power va mieux. Réalité ou tentative désespérée de se défaire de son image d’alcoolique chronique dépressive et bipolaire ? Aucune idée, mais quelque chose a bel et bien transformé la star des indie-folkeux des années 90. En témoigne cet ovni étrange, ce Sun qui tient dans la main mais moins facilement dans les oreilles. Sa pochette bleue, montrant un portrait de Chan Marshall se ressemblant à peine, les cheveux courts, l’air absent, est déjà en lui-même un premier point d’interrogation. Que la première écoute du disque ne fait que confirmer. Lourds arrangements, circonvolutions autour des mêmes rythmiques, coups de coudes lourdement appuyés à des styles musicaux allant du hip hop au r’n’b. Bref, Sun est un casse-tête.

Mais on dirait que Cat Power s’en amuse. Reine de la mutation, ce n’est pas d’avoir attrapé pour la première fois un coup de soleil qui lui fait peur. Ce nouveau disque est presque bling bling, il prend toutes les directions à la fois, et il le fait avec cette insolence qui semble désormais être la marque de fabrique de l'Américaine. La cassure n’est pas aussi nette que celle qui a eu lieu à la sortie de The Greatest; Sun est plutôt une mue douce et délicate. On ne sait plus si Cat Power tient les notes mystérieuses de What Would the Community Think ou si elle va revêtir les paillettes de diva soul fatiguée du triste Jukebox. Et cette hésitation est agréable. La prise de risque de Sun est telle que l’album déroute, ennuie, mais finit par émouvoir. Après quelques écoutes, la beauté de l’effort apparaît, et certains titres percent comme le soleil à travers les nuages.

Le lyrisme amusé de "Nothin But Time" est peut-être la première percée du disque, qui permet de réévaluer tout le reste. Dix minutes entre complainte, arrangements chiadés, chœurs masculins en forme de clin d’œil à des débuts de carrière à fleur de peau, cassure abrupte en milieu de chorus… Un titre qui ne se refuse rien. Et c’est bien ça, Sun: un disque qui tente, qui arpente et qui, finalement, réussit. Il n’y a rien de superflu chez Cat Power, rien qu’une beauté sauvage qui a appris à s’apprivoiser sur cette belle maturité. La grâce de "Cherokee", de "Always on my Own" ou de "Manhattan" s’apprécient aussi bien isolés ou au milieu de ce tout étrange et beau. Cat Power, elle, fait ce qu’elle veut. À nous de suivre le rythme.

Le goût des autres :
6 Laurent 6 Denis 8 Thibaut 6 Amaury L