Strange Geometry

The Clientele

Pointy Records – 2005
par Nicolas, le 10 septembre 2005
9

Un voile de mystère flotte sur The Clientele. Pourquoi ce groupe, qui n’en est pas à son coup d’essai, ne défraye pas plus l’actualité musicale alors que leur récent Strange Geometry a plus de mérite que beaucoup d’autres albums à la une ces temps-ci ? Pour comprendre l’univers dans lequel gravite le groupe, il suffit de regarder la pochette de leur dernier opus. Celle-ci est une reproduction de l’œuvre « Le Viaduc » du peintre surréaliste belge Paul Delvaux. Si l’on peut tenter la comparaison entre le groupe et l’œuvre du peintre, celle-ci se résumerait en deux mots : solitude et mystère.

Ces deux termes habitent un Strange Geometry, véritable travail d’orfèvre dont les arpèges ont l’éclat des bijoux de la couronne. Ces arpèges se font donc rois sur des chansons qui se nourrissent et s’apparentent à la pop sixties. Un bonheur pour les amateurs de douces mélodies et pour les romantiques en manque de mélancolie. Un peu à l’image du morceau d’ouverture (« Since K Got Over Me »), on peut arpenter les pistes de Strange Geometry comme on sillonnerait les rues de Londres sans autre but que de s’y perdre. D’ailleurs, cette ville semble constituer la trame de fond d’un album qui fait également la part belle à une grande érudition, comme le prouvent les nombreuses références littéraires.

Par rapport à The Violet Hour, Alasdair McLean, James Horney et Mike Keen n’ont pas changé de cap. Ils ont conservé leur goût pour cette pop vaporeuse qui couvre Strange Geometry d’un voile au travers duquel on aperçoit comme un doux coucher de soleil sur la Tamise. Un peu à l’image des vues brumeuses que nous en a livré le peintre impressionniste Claude Monet.

Bien que les mélodies soient d’une limpidité et d’une simplicité étonnante, l’écoute répétée ne permet pas de lever la vapeur brumeuse présente sur Strange Geometry. Néanmoins, celle-ci a le mérite de révéler un travail de grande précision derrière chaque arrangement. D’ailleurs, c’est à Louis Philippe que l’on doit les cordes comme celles belles à pleurer sur la chanson « Step Into The Light ». A la production, on ne rencontre par un inconnu non plus : il s’agit tout simplement de Brian O’Shaughnessy, qui a travaillé par le passé pour Denim ou encore Beth Orton.

Un album comme celui que nous livre The Clientele mériterait qu’on s’abstienne au niveau des comparaisons. S’il me faut donner des noms, je reprendrai ceux que le groupe cite : Felt, Galaxie 500, Television, Love et The West Coast Pop Art Experimental Band. Tous des groupes dont l’univers se rapproche plus ou moins de celui de la bande à McLean.

Les douze compositions présentes sur Strange Geometry sont donc autant de petites merveilles pop. En soi, elles ne révolutionnent pas le genre mais leur grande maîtrise fait que l’on a envie de les choyer comme autant de joyaux qu’on ne veut pas partager. Que ce soit un titre comme « E.M.P.T.Y. », sombre et fantasmagorique, ou encore le spoken words de « Losing Haringey » : tout dans l’album de The Clientele aspire à la contemplation. Un arrêt obligatoire pour les âmes nostalgiques et sensibles.

Le goût des autres :
9 Julien