Sparkle Hard

Stephen Malkmus & The Jicks

Domino – 2018
par Jeff, le 27 juillet 2018
7

Branleur, jeanfoutre, je-m'en-foutiste. Appelez-ça comme vous voulez, mais reconnaissez simplement que le public adore les artistes qui s'en battent les steaks. Et à une époque où le circuit de la reformations tourne à plein régime, il est bon de voir des mecs comme Stephen Malkmus tracer leur voie en ignorant les tendances quand tous ses petits copains qui ont écrit les plus belles pages de l'indie des 90's renflouent le compte en banque et financent la résidence secondaire avec de juteuses tournées, d'inutiles rééditions, quand ce n'est pas des mauvais albums qu'ils nous infligent, les cons - comment ne pas en placer une petite pour l'infâme Frank Black et ses Pixies, qui chient sur leur légende depuis trop longtemps.

Depuis l'explosion en plein vol du navire amiral Pavement, il y a bien eu une tournée de reformation (qui leur en voudrait dans l'absolu?), mais elle ne puait pas trop l'opportunisme crasse; et malgré des offres juteuses qui doivent régulièrement débarquer dans la boîte mail du management, le groupe se refuse à prendre à nouveau part à ce cirque. C'est pourquoi le chanteur Stephen Malkmus, grâce à la fidélité inébranlable de Domino, peut continuer à faire son truc, bien pépouze dans son coin, sans que personne ne vienne le faire chier. Certes, on a l'impression que son public rétrécit avec les années, comme les salles dans lesquelles il se produit. On a aussi l'impression que même si on lâchait l'affaire pendant 5 ans, on n'aurait l'impression de ne rien louper d'essentiel dans une carrière bien paisible.

Ce qui rend l'oeuvre de Stephen Malkmus si attachante, c'est que contrairement à pas mal de ses pairs pour qui se la péter en tête d'affiche des plus gros festivals du monde est leur manière à eux de digérer le démon de midi, lui semble réellement en paix avec l'artiste qu'il veut être, et préfère faire un petit bout de chemin avec ses Jicks plutôt que de s'adonner à de futiles pantalonnades avec des types dont il a pris ses distances justement parce qu'il ne pouvait plus les encadrer à la fin des 90's. Mais il serait trop simple d'aimer un type juste parce qu'il trace sa voie dans un mépris total du monde extérieur, car pour ceux qui débarquent, Stephen Malkmus est bien l'un des plus grands singer / songwriter de son époque, qui continue d'écrire des titres qui n'ont rien à envier aux meilleurs faits d'armes de Pavement - poke "Refute" qui ressemble à un énorme clin d'œil à l'immense "Range Life".

Dans cette optique, est-il vraiment nécessaire de revenir sur ce qui fait la talent de Stephen Malkmus? Pas vraiment. Evidemment que cet album sent bon l'indie rock qui aime se donner l'air d'avoir les doigts de pied en éventail, évidemment que le charme slacker de sa voix fait toujours son petit effet, mais il ne faudrait pas croire que le gars se complait dans l'immobilisme - certains textes plus politiques ou son utilisation très à-propos de l'autotune sur "Rattler" sont là pour le démontrer. Mais le simple fait qu'on débarque avec cette chronique de Sparkle Hard deux mois après sa sortie doit non seulement vous donner une idée de la course impossible contre l'actualité livrée à longueur d'année, mais surtout renvoyer à l'inutilité de vouloir faire rentrer ce disque (et tous les autres de Stephen Malkmus & the Jicks) dans un cadre, un contexte ou un plan promo. Pour paraphraser le poète Kevin De Bruyne: on s'en bat les couilles tant que c'est bon.