Sky At Night

I Am Kloot

Sheperd Moon – 2010
par Jeff, le 19 juillet 2010
7

Lorsque l'on résume la carrière assez impeccable d'I Am Kloot, il convient de faire comme si I Am Kloot Play Moolah Rouge n'avait jamais existé. En effet, sorti il y a maintenant trois ans dans une indifférence encore plus impressionnante que pour les meilleurs albums du trio, ce quatrième effort studio était indigne du rang du groupe de Manchester – le public ne s'y était d'ailleurs pas trompé et la galette avait été un flop retentissant. Finalement, après de nombreuses années d'un parcours sans faute, le groupe commettait là son premier impair, que ses fans lui ont vite pardonné – et franchement, vu le niveau de qualité atteint sur les précédentes livraisons, le contraire aurait relevé de l'affront.

Ainsi, I Am Kloot Play Moolah Rouge ayant comme par magie disparu de notre mémoire, il faut aborder ce retour aux affaires comme la fin d'un long silence qui voit le groupe réapparaitre sur nos radars cinq années après le très bon God and Monsters. Cinq années, c'est forcément long, et les attentes sont aujourd'hui d'autant plus énormes que pour Sky At Night, les troupes emmenées par John Bramwell ont fait appel à Guy Garvey et Craig Potter, respectivement chanteur et claviériste au sein d'Elbow.

Forcément, avec Garvey et Potter aux manettes de ce nouvel album, l'envie de comparer les deux groupes est assez prenante. Il y a encore deux bonnes années, c'est-à-dire avant la parution du classique The Seldom Seen Kid, les groupes de Manchester se trouvaient dans des situations similaires: bénéficiant d'un succès d'estime conséquent, on attendait d'eux l'album qui allait leur permettre d'être reconnus à leur juste valeur. On sait ce qu'il est advenu d'Elbow: un Mercury Prize, des salles pleines, un magnifique concert dans les studios Abbey Road en compagnie du BBC Concert Orchestra et 300.000 copies de The Seldom Seen Kid écoulées. Et I Am Kloot dans tout ça? Ben, I Am Kloot Play Moolah Rouge...

Heureusement, avec Sky At Night, les trois Mancuniens retrouvent un niveau de qualité digne de ce nom et nous régalent avec des titres qui méritent mieux qu'un succès confidentiel. Car sur des morceaux comme « Northern Skies » ou « Fingerprints », c'est un I Am Kloot flamboyant et inspiré comme jamais que l'on retrouve. En effet, si John Bramwell continue de broyer du noir et prend un malin plaisir nous le faire savoir, il y a en arrière-plan un travail de production magnifique qui permet de voir le groupe sous un autre jour, pour le coup plus attendrissant. N'allez pas croire qu'avec le duo Garvey/Potter là-derrière, I Am Kloot tente de rééditer l'exploit réalisé par Elbow deux ans plus tôt, car sur le fond, rien n'a vraiment changé: navigant entre folk crépusculaire et pop en apesanteur, I Am Kloot a trouvé sa valeur ajoutée dans des arrangements discrets et jamais pompiers qui donnent à de nombreux titres des airs de produits finis plutôt que de diamants bruts.

Epoustouflant sur sa première moitié, Sky At Night peine par contre à trouver son second souffle par la suite, si ce n'est sur la ballade épurée « Proof », un titre qui apparaissait déjà sur le troisième album éponyme du groupe et qu'il a décidé d'enregistrer à nouveau, dans une version à peine plus arrangée et forcément plus délicate. Malheureusement, c'est cette baisse de régime passagère qui empêche de faire de Sky At Night un album indispensable de 2010. Par contre, on ne peut s'empêcher de penser qu'I Am Kloot a enfin trouvé sur une poignée de titres le juste équilibre entre l'épure sombre des débuts et les arrangements au service d'une écriture lacrymale, et que si le groupe parvient à élever son niveau de jeu sur un album complet, le Mercury Prize et les ventes records pourraient enfin devenir une réalité. C'est évidemment tout le mal qu'on peut leur souhaiter.