Sketches of Brunswick East

King Gizzard & The Lizard Wizard with Mild High Club

Flightless Records – 2017
par Pierre, le 29 septembre 2017
7

A l’heure où le stakhanovisme semble être un corollaire de l’esprit créatif, les Australiens de King Gizzard & The Lizard Wizard sont tellement prolifiques qu’ils phagocytent à eux seuls l’ensemble d’une scène psyché pourtant bouillonnante. Et à en croire les prévisions, la déferlante n’a pas fini d’obscurcir le ciel pour la chiée de formations cherchant une place au soleil en cette année 2017, elle qui nous pondra pas moins de cinq albums des Australiens. De quoi consolider le piédestal sur lequel trône désormais le Roi Gésier... ou bien précipiter sa chute en décrédibilisant ce sur quoi celui-ci a bâti son royaume.

Si l’exercice semblait plus casse-gueule qu’un retour de soirée à 3 grammes, ce troisième album de 2017 confirme le bien-fondé de la démarche et pourrait même bétonner plus encore la réputation d’un groupe décidément bien surprenant. Car s’il est clairement estampillé KG&LW, Sketches of Brunswick East voit le squelette originel de leur musique une fois encore vêtu de nouveaux oripeaux, empruntant aussi bien au jazz et à la soul qu’à la folk et à la bossa nova. Une formule improbable qui est le fruit d'une collaboration entre les Australiens et les Californiens du Mild High Club, qui pourrait cependant en paumer plus d’un en route. 

En effet, ce Sketches of Brunswick East est avant tout un joyeux bordel, et aussi l'album le plus déroutant du groupe tant il semble à bien des moments partir totalement en couille. Car si le traditionnel appétit du groupe le pousse à s’essayer à quelque chose de nouveau, Australiens et Américains n’en oublient pour autant pas de bien digérer ce qu'ils ont déjà ingurgité avant de servir leur tambouillle. Cela donne alors quelques passages complètement bandants sur lesquels toute la troupe glisse un hommage à l’ethio-jazz ("Tezeta") ou se permet de greffer ça et là un peu de musique microtonale ("D-Day" ou "The Book") histoire de rentabiliser leurs nouveaux joujoux.

Du fait de l’arsenal d’instruments utilisés et de la quantité de mecs en studio, les deux groupes s’approprient l’intégralité du spectre musical, créant un son d’une richesse déconcertante qui témoigne de l’alchimie entre les deux formations. Sketches of Brunswick East est un putain d’album libertaire qui ne se contente pas de quelques jams pour piocher dans l’expérimental, mais qui est dans sa totalité un formidable terrain de jeu pour une bande de types à l’encéphale complètement grillé. 

Si cet album ménagera davantage vos cervicales qu’un Nonagon Infinity, il démontre le talent qu’ont les Australiens à partir sans retenue aucune dans des délires toujours plus acides, et ce même lorsqu’ils naviguent en eaux calmes. En rappelant au passage à quelques-uns que le psychédélisme ne se limite pas à se fringuer comme un clochard pour grattouiller deux ou trois accords plus ou moins planants, King Gizzard & The Lizard Wizard nous démontre une fois de plus qu’il est bien parti pour relever avec les honneurs son audacieux pari.

Le goût des autres :