Shaking The Ashes Of Our Enemies

The Parisians

Bonus Tracks Records – 2010
par Serge, le 30 avril 2010
7

Disons qu'au début, il y a les Strokes. Les White Stripes. Les Libertines. Des groupes de garage rock comme il n'a jamais cessé d'en apparaître depuis un demi-siècle, mais en cette première moitié des années 2000, ceux-là ont la chance d'être désignés par la foule comme sauveurs et messies ou du moins alternative crédible et populaire à toutes ces musiques dites urbaines qui n'en finissent pas de fatiguer. Ce «retour du rock» a beau être totalement bidon d'un point de vue strictement objectif, il n'en allume pas moins une belle étincelle identitaire tant au sein d'une certaine jeunesse que du côté des vieux de la vieille genre Rock & Folk. Tout autour du monde et singulièrement à Paris, cela va dès lors pulluler de wannabes Pete Doherty quittant le 3 roues pour la 6 cordes, de Julian Casablancas du dimanche après-midi, de Jack White de 14 ans et demi. Retravaillée par les poncifs du journalisme de bistrot, l'émulsion localisée dans la capitale française va finalement accoucher de ce concept de scène dite des «baby rockeurs». Des collégiens à jeans moule-biroutes et chaussures pointues, mèches savantes et guitares acérées. Souvent très arrogants, plus rarement dignes d'intérêt. Pas toujours cons, cela dit, la plupart s'avérant souvent moins victimes de la mode que défenseurs d'une véritable éthique rock. C'était vers 2004-2005 et cela se passait principalement dans quelques bars entre Bastille et Opéra ainsi que sur MySpace. A défaut d'originalité et de qualité véritable, c'était énergique, joyeux, généreux. Bref, juvénil, au meilleur sens du terme. The Parisians étaient à la fois un symbole et la parfaite caricature de tout cela. Des pitres potes à Peeete avec qui il était bon de remuer en concert mais sur les disques à venir desquels personne n'aurait misé un centime d'euro.

Cela ne dérangeait personne à cette époque, durant ces quelques mois plus candides que naïfs où le plaisir de faire parler la poudre misait sur tout le reste. J'ai le souvenir d'interviews où des représentants de la scène baby-rock parisienne disaient très bien savoir que tout cela ne durerait pas. Qu'il y aurait peu, voire pas du tout, de carrières. Que l'important était de vivre le truc à fond. Que ceux qui sortiraient un album trop vite seraient ceux qui se feraient le plus profondément baiser. C'est exactement ce qui est arrivé : la plupart de ces branlos se sont fait encager par les vieux requins du bizzness. Ils ont rejoint ce cirque duquel ils représentaient jadis une alternative, se sont vus coller des stickers «sensation de l'année» sur le front. Ceux qui n'ont pas arrêté le rock au premier CDI chez EDF sont aujourd'hui dans le wagon des corporates à guitares suivant la locomotive BB Brunes. Cette scène ne pouvait pas durer. Ne fut-ce que parce qu'un baby rockeur ne reste pas baby toute sa vie; qu'en 5 ans, il passe du collège à la vie adulte. Aux responsabilités. Aux choix de vie. Et puis aussi, parce que le sens du bordel et du fun adolescents, dès qu'encadrés par la pseudo-science marketing, n'accouche généralement que de choucroute tiède, voire de mélasse scandaleuse.

En 2004-2005, personne, donc, n'aurait misé quoi que ce soit sur The Parisians, sinon sur l'éventualité qu'ils crameraient plus vite que les autres. 5 ans plus tard, la scène est morte, les humains ont mûri et ce n'est que maintenant que The Parisians sortent leur premier album. Du travail appréciable. Un peu lassant parce que sans véritable surprise mais d'un niveau tout à fait correct. Du rock classique, premier degré, à peine arty. Pied au plancher, un peu Rolling Stones sixties par moment, trop Pete Doherty à d'autres. Un chant pop, celui d'une jeunesse lâchant l'arrogance couillonne des débutants mais n'en étant pas encore au recul canaille des vieux briscards. Un album de rock garage propret, de power pop digne mais un peu vaine. Il en sort une centaine par mois tout autour du monde, des trucs du genre, et celui-ci est un peu meilleur, pas beaucoup plus, qu'on va dire 6 ou 7 dizaines de ses concurrents directs dans le secteur. Sorti il y a 5 ans, il aurait probablement donné l'occasion aux Parisians de vivre leur quart d'heure de gloire wahrolien. Là, ils devront vraisemblablement se contenter de dignité et de crédibilisation sur une scène rock française qui a toujours été une niche (semi) professionnelle avant de temps à autre (re)devenir une mode. Un choix de carrière, en somme. Un pari sur l'avenir. Qui aurait cru ça en 2004-2005? Qui l'aurait pu, surtout?