Shadow Boat EP

Porter Ricks

Tresor – 2016
par Côme, le 9 décembre 2016
9

Lorsque l’on aborde le duo Porter Ricks (Thomas Köner + Andy Mellwig), parler de légende est entièrement justifié. Déjà parce que leur Biokinetics occupe une place de choix aux côtés des premiers Monolake et Fluxion dans l’excellentissime catalogue de Chain Reaction, ensuite parce que la suite de leur discographie sur Mille Plateaux mérite elle aussi largement le détour. Et puis le duo avait pour ainsi dire disparu des radars durant 17 ans (il y a bien eu quelques performances live et surtout des carrières solo remarquables) et leur discographie elle-même tendait à disparaître physiquement : Mille Plateaux a fait faillite et les boîtes en métal de Chain Reaction allaient finir par avoir raison des CD qu’elles contenaient*. Et puis il y a eu ce live au Berlin Atonal, cet EP et enfin l’annonce furtive d’un album pour l’an prochain, comme si le Millenium Falcon était d’un seul coup apparu au cinéma sans toute la hype l’entourant.

Et dès les premières mesures, c’est comme si rien n’avait changé : le delay, l’écho, les textures distordues, les kicks qui semblent provenir de machines immergées dans l’eau, tout y est. Trois titres à l’inertie monstrueuse, à l’espace immense, aux nappes d’une telle profondeur que l’on pourrait s’y noyer. Trois variations d’une dub techno imprévisible et pourtant si familière, les deux producteurs ne se contentant finalement « que » de faire ce qu’ils ont toujours si bien fait, évoluant toujours sans réelle concurrence. S’il fallait vraiment chercher à trouver des différences entre le Porter Ricks de 1999 et l’actuel, on dirait que les morceaux semblent moins lo-fi (et encore) et que "Shadow Boat" sonne plus triomphant que tout le reste de leur catalogue. Mais là n’est pas vraiment le but. De même qu’il n’est pas nécessaire de continuer à multiplier les métaphores maritimes pour broder plus longtemps. On se demandait honnêtement avant la sortie de Shadow Boat si le retour de Porter Ricks était vraiment pertinent. En fait, alors que la scène techno semble de plus en plus dégénérer en line-ups identiques et en producteurs flavor of the month, ce retour n’est même pas pertinent. Il est salutaire.

* En gros les packagings de Chain Reaction, des espèces de digipack en métal, avaient tendance à se tordre, détruisant les CDs qu'ils contenaient.