Ruins

Grouper

Kranky – 2014
par Simon, le 21 novembre 2014
8

Six Feet Under – série indispensable, pour ceux qui ne se seraient pas encore penché dessus – traitait avec une pertinence folle la difficulté avec laquelle on peut accepter que toute personne, toute situation et toute relation a vocation à disparaître. Un écrin pour la mélancolie qui transcendait les pensées de milliers de personnes, plus ou moins capables d’affronter la vie après avoir perdu quelqu’un ou quelque chose. Si la bande-originale de cette série était tout bonnement impeccable, on aurait tout aussi bien pu proposer le nouvel album de Grouper pour mettre en musique cinq saisons de conscience étalée. Parce que Liz Harris, des années après ses débuts, reste encore notre maîtresse à penser lorsqu’il s’agit d’intérioriser et de se faire mal en ressassant un passé qui n’est plus. Toujours tout en douceur, malgré tout.

Certains d’entre vous ont peut-être un jour imaginé assister à leurs propres funérailles. Comme dans la série visée plus haut, on se voit assis aux côtés de nos proches, frémissant aux moment d’entendre les dernières paroles qui nous sont adressées. Les autres pleureront-ils notre absence ? Quel sera la trace laissée par notre souvenir ? Mon visage et ma voix sont-ils immortels dans le cœur de ceux que j’ai quitté ? Ruins, c’est cette expérience hors de soi-même, cette distance entre une situation et le ressenti qu’on éprouve pour elle. Du folk-ambiant d’une sobriété à faire pleurer le plus insensible de tes potes, un nouveau disque dans lequel Liz Harris ne saurait tricher. Quarante minutes pendant lesquelles on trouverait utile de regarder les feuilles tomber par la fenêtre, comme si refaire l’histoire inlassablement changerait quelque chose à la situation. Ruins c’est le disque qui intègre tous tes regrets, qui te rappelle que les mots qu’on s’échangeait hier sont supposés ne plus avoir d’importance aujourd’hui, que les promesses restent en suspens, que pour un Simon il y aura toujours dix Guillaume prêts à te faire la cour. Le rappel que tout finit par disparaître et que, même si tu ne veux toujours pas y croire, ça fait drôlement mal au ventre.

Ruins, c'est un disque émotionnellement vivifiant, qui travaille ses ficelles avec une simplicité devenue habituelle. De quoi se balader dans son esprit en appréciant ces jours qui déclinent. Faire le point, comme toujours. L’occasion de se déculpabiliser, de se sentir bien, le temps d’un disque, heureux dans le souvenir de ceux qui vous ont aimé. Et qui doivent vous aimer encore un peu, quelque part. Parce que se souvenir est un don. Parce que ceux qui intègrent les sentiments de mort sont souvent ceux qui brillent par leur fureur de vivre.

Le goût des autres :