Rockwell

Anni Rossi

4AD – 2009
par Jeff, le 23 mars 2009
8

Les plus attentifs et courageux de nos lecteurs, qui ne se limitent pas aux chroniques des grosses pointures et autres têtes de rayon, sont peut-être tombés il y a quelques mois sur mon bref papier consacré au premier EP d'Anni Rossi, cette jeune fille basée à Chicago et découverte par l'irréprochable label 4AD. Vingt minutes avaient alors suffi pour déceler un talent immense qui plaçait instantanément la demoiselle dans une catégorie dominée depuis quelques années par Joanna Newsom ou Final Fantasy.

Comme promis par le label britannique, son premier véritable album est enfin bouclé et prêt à être dégusté. Et comme je me l'étais imaginé, celui-ci est à la hauteur des attentes placées. Idéale mise en bouche, Afton nous dévoilait une artiste pleine d'ambitions mais que des réalités économiques avaient quelque peu freiné dans l'élaboration des ses mélopées (anti)folk. Mais il fallait s'y attendre, depuis qu'elle a rejoint le giron 4AD, les choses ont pas mal changé et c'est sous le regard bienveillant du légendaire Steve Albini qu'Anni Rossi a pu mettre en boîte Rockwell. Rarement pris en défaut, le producteur américain a souvent travaillé avec des femmes dont il a su magnifier les compositions. Ainsi, après avoir mis en boîte des albums pour Electrelane, Scout Niblett, Shannon Wright ou Elysian Fields, voilà que le père Albini se penche sur le cas d'Anni Rossi.

On retrouve donc sur Rockwell ce qui avait éveillé notre curiosité sur Afton, à savoir ce violon virevoltant et cette voix alternant moments de douceur et pics hystériques. Les mauvaises langues pourront argumenter qu'on retrouve sur ce premier effort cinq des six titres qui composaient Afton, mais la contre-attaque est tout aussi facile: sur Rockwell, ceux-ci se révèlent sous un jour nouveau. Rugueuses sur l'EP, les compositions d'Anni Rossi s'apparentent aujourd'hui à de tendres caresses grâce au travail minutieux effectués sur les arrangements, notamment la batterie. Il n'y a qu'à voir avec quelle aisance la talentueuse violoniste s'attaque à l'une des plus sombres pages de la musique 'populaire' du siècle dernier, j'ai nommé Ace of Base, pour se convaincre qu'on tient là une artiste exceptionnelle – sa reprise de « Living in Danger » est méconnaissable et ferait presque passer le quatuor suédois pour des parangons de bon goût.

Enregistré en une journée à peine, Rockwell ne surprendra pas les (trop rares) fans de l'artiste américaine. Ceci étant, vu le peu de ramdam déclenché par Afton à sa sortie, il y a fort à parier que Rockwell sera le disque de la révélation pour de nombreux folkeux en mal de plaisirs simples et de mélodies attachantes.