Primate

Tommy Four Seven

CLR – 2011
par Simon, le 6 avril 2011
8

Tommy Four Seven est tout sauf un producteur comme les autres. Cela fait des années maintenant que le monde de la techno – à l'instar du milieu house – croule littéralement sous les plaques venues de tous les pays et de tous les labels. Rude travail donc de trier le bon grain de l'ivraie, surtout quand les producteurs qui dessinent cet univers prennent un malin plaisir à se singer sans cesse, à s'imiter jusqu'à en perdre l'âme de leur musique. Tommy Four Seven est parti de ce constat franchement affligeant pour mieux le dépasser. Revenir à l'essentiel, et plus encore. Forcément, une telle entreprise revenait à faire parler la poudre avec une sincérité et un esprit guerrier au-delà de la norme, à volontairement se mettre dans un extrême opposé, comme pour mieux stigmatiser l'attentisme. Il n'est pas étonnant dès lors de voir l'Anglais poser sur CLR, mieux connu pour être la structure du grand Chris Liebing, héros incontestable d'une techno froide et intangible.

Le postulat de Tommy Four Seven est plutôt simple : trop d'options donnent trop de structures similaires, les gens parlent en termes de plug ins et non plus de musique. Il faut en revenir à des choses plus simples, à une conception plus corporelle qui n'aurait pas besoin de détails à vocation strictement esthétique pour en imposer. A ce niveau, le choix des matériaux est essentiel, et T47 l'a bien compris. Primate contiendra des kicks techno et du field recording, rien de plus. Une logique rigoriste et minimaliste qui n'empêchera jamais ce premier album d'être d'une puissance assourdissante. En limitant au maximum les sources sonores, l'Anglais s'est mis en tête de ne mettre aucun filtre entre l'auditeur et sa musique. Le capital risque est donc dans le rouge, car Tommy Four Seven joue sur une plaine où tout est visible à des kilomètres. Primate sera un classique de la techno ou une daube sans nom.

Au final, chaque track est un éléphant dans un magasin de porcelaine : ça percute dans tous les sens avec une rigueur et une linéarité presque scandaleuse, le kick est à chaque fois aussi puissant que minimal et les field recordings – axé autour de voix féminines et de textures presqu'industrielles – sont guerriers au possible. Chaque titre commence par un kick linéaire, qui peut durer plusieurs minutes sans bouger – voire même l'entièreté de la track comme sur « Track 5 » - pour grimper petit à petit dans des architectures claires et fouillées, lieu idéal pour faire gicler tous ces souffles de vapeurs brûlantes. Car travailler avec le seul kick techno pour allié revient à faire de la neurochirurgie avec ses pieds: il faut être sacrément doué et avoir autant de maîtrise que d'instinct pour y parvenir. Pourtant, le résultat est grand, entre froideur totale et chaleur organique. D'apparence simple, Primate est une merveille de construction, et une preuve ultime que la techno jouée avec peu de sources sonores est aussi difficile que le résultat est total. Une synthèse extrême de ce que devrait être le genre musical une fois débarrassé de tous ses effets de manche pompeux. Une vraie réussite donc.