Pre Language

Disappears

Kranky – 2012
par Jeff, le 28 mars 2012
8

Il n'est jamais facile pour un groupe d'intégrer en son sein un nouveau membre dont le CV fait sérieusement saliver. Demandez aux Cribs ce qu'ils en pensent, eux qui n'ont jamais vraiment profité de la valeur ajoutée qu'aurait pu représenter une icône comme Johnny Marr. Le guitariste des Smiths a quand même mis trois ans à se rendre compte de sa connerie et a quitté le groupe en 2011. Par contre, on doute que Steve Shelley, batteur de Sonic Youth de son état, commette la même erreur. Tout d'abord parce que l'avenir proche du groupe de la paire Thurston Moore/Kim Gordon est plus qu'incertain depuis l'annonce de leur divorce. Ensuite parce que Disappears, la formation de Chicago qu'il a rejoint en tant que membre à part entière après les avoir testés en tournée, a tout du cheval sur qui il faudra parier en 2012 – même si d'aucuns le font déjà depuis 2010 et la parution d'un premier album rageur, Lux.

Signé sur Kranky, maison connue pour ses visées pour le moins expérimentales, Disappears est pourtant un modèle de simplicité et de concision. Mais Disappears, c'est surtout le genre de groupe qui ne cache pas puiser son influence dans la riche histoire du rock, sans pour autant nous pondre un produit qui ressemble à un pauvre hommage tout mou du gland. De Disappears, on a ainsi cité par le passé les accointances évidentes avec des formations comme les Stooges, Sonic Youth, Television ou Suicide. C'est encore le cas sur ce troisième album qui flaire bon la poudre. Mais pour ce nouvel effort, le quatuor ajoute une nouvelle dimension à sa musique, britannique cette fois. En allant piocher quelques bonnes idées chez les tôliers du post-punk made in England: à The Fall, le chanteur Brian Case ne s'est pas gêné pour emprunter le phrasé que l'on croyait pourtant inimitable de Mark E. Smith; chez Wire, Disappears a emprunté ce côté sombre et métallique qui vous tombe sur le paletot sans crier gare. Niveau ingrédients de base, y'a pas à dire, ça tient la route. Après, on a tous regardé au moins un épisode de Master Chef pour comprendre que ça ne veut pas dire charrette.  

Mais bonne nouvelle pour nos esgourdes : Pre Language manie à la perfection l’art du dosage, qu’il combine à une section rythmique dont la rigueur métronomique fascine et une hargne de tous les instants propice au pétage de plombs en bonne et due forme.  Et puis comme ses prédécesseurs, Pre Language n’est pas vraiment un disque qui prend les chemins de traverse. Neuf morceaux pour 35 minutes de tension permanente et de matraquage sonore jouissif. Clairement l’un des disques les plus libérateurs de ce début d’année 2012.