Out 1

Pierre LX

Initial Cuts – 2011
par Simon, le 23 mai 2011
9

L'hybride musical, et la musique électronique n'y fait pas exception, a ceci de chiant qu'il divise les genres et affaiblit considérablement leurs forces respectives. L'hybride revient souvent à perdre des deux côtés. Une triste impasse qui a sans doute miné la uk bass music dans sa volonté exubérante d'avancer plus vite que le temps : il n'y a plus grand chose de fort, plus rien d'hargneux. Le dubstep, comme la techno ou la house, possédait à l'origine cet entêtement presque impertinent, cette absence de calcul qui rendait sa musique vive et intouchable. Ce qu'on perdait en recul, on le gagnait en profondeur et en histoire. Aujourd'hui, c'est semble-t-il l'inverse qui prédomine : l'heure est à la rupture des mythes, aux accords improbables entre des inspirations fuyantes. Calculer sa musique comme une entité intelligente, léchée de partout pour parvenir à transcender des unions trop souvent forcées. La diversité n'est pas un mal en soi – loin de là même - mais il ne parait pas trop orthodoxe de constater que comme l'huile et l'eau, certains éléments ne peuvent parfois pas faire autrement que se fuir. Le grime a bouffé la house, le dubstep se sent seul sans techno quand la bass music toute entière ne se farcit pas la panse d'electronica de soul. Ce qu'on a gagné en sound-design et jolie « intelligence », on l'a perdu en musique.

Au milieu de ce grand bordel bien creux – dont James Blake et Mount Kimbie semblent être des porte-paroles doués - demeurent pourtant des îlots de résistance inconscients. Inconscients car si tous ces producteurs nagent dans un même bain, certains gagnent sans forcer. Pangaea, Ramadanman, Instra:Mental, Cosmin TRG, 2562; autant de mecs pour qui la refonte est naturelle. C'est sans détour qu'on peut consacrer Pierre LX dans cette grande famille des monstres de cette nouvelle scène bass music. Tout le discours pompeux déballé plus haut avait pour seul objectif d'illustrer cette constatation simple : ce mec est une conscience, et son premier disque est une claque sans nom.

Pourtant Out 1 est tout sauf une démonstration. C'est bien simple, sa seule force c'est de respecter les genres, de les proposer l'un à l'autre pour la copulation ne puisse conclure qu'à la naissance d'un enfant surdoué. Out 1 est un disque de techno, c'est clair. Mais quand l'une ou l'autre syncope ou infrabasses subliminales vient se glisser entre les lignes, Out 1 reste un disque de techno. Comme si le meilleur venait se superposer au meilleur. Joué de manière semi-improvisée et intuitive, cette plaque respire la liberté autant que la rigueur. Toutes ces ambiances analogiques, deep et électriques font renaître Derrick May comme elles invitent le meilleur de la scène post-dubstep à la Pearson Sound. Ne vous attendez pas à un disque qui aligne les poses arty, les décalages creux et les frasques de bon goût; Out 1 est un disque où seule la maîtrise et la justesse ont droit de cité. Voila, c'est le mot, Out 1 est juste. Pierre LX est Français, et vient pourtant de donner une leçon d'estime à des dizaines de producteurs assoiffés d'hybridation stérile. On tient là une des plaques techno de l'année. A moins qu'il s'agisse tout simplement de véritable bass music.