Of Cities

Dj Signify

Bully Records – 2009
par Julien, le 28 janvier 2009
6

Le même problème s'est posé à moi l'an dernier, au moment d'écouter le nouveau disque de Portishead. Bien que je lui reconnaisse d'indéniables qualités, quelque chose a raté en moi dès la première écoute. C'était le sentiment que ce disque n'était plus du tout viable dans notre actualité. Que le trip-hop et ses stigmates étaient murés dans une époque, incapables de se transposer aux nouvelles coordonnées musicales. Je ne dramatise pas, c'est peut-être simplement un travail du temps à laisser faire : ces sonorités sont trop vieilles pour ne pas sonner démodées et ne le sont en même temps pas assez pour qu'on y revienne déjà. Toujours est-il que je crois de plus en plus qu'à l'exact opposé des courants hype si fluctuants, il y a des scènes intouchables pendant un temps, qu'on ne peut plus du tout écouter pendant quelques années, et qui donnent par-là une définition par la négative de ce qui à l'heure actuelle doit se faire.

Le nouveau disque de Dj Signify donne précisément de l'eau à mon moulin. Le producteur New-Yorkais s'était fait connaître en 2004 avec l'excellent Sleep No More, pur album de hip-hop sombre et underground où sévissaient Sage Francis et Buck 65. Mais déjà 2004 était une date avancée pour l'abstract hip-hop tel qu'il se formule ici, avec ses rythmes old-school, ses samples lancinants et son côté volontiers dark ; le boulot avait déjà était entièrement déblayé à la fin des 90's par Dj Krush et l'underground US (El-P et la label Definitive Jux en tête). De fait, resservir le même plat quatre années plus tard était perdu d'avance. Of Cities n'est pas du tout un mauvais disque, pourtant le malheur est qu'il ne s'adresse à personne, si ce n'est à quelques initiés, quelques collectionneurs qui ne veulent rien laisser passer. Ces derniers auront la chance de découvrir un album monolithique et enivrant, rempli de craquements de vinyles et de passages hypnotiques ? comme sur "The Sickness", troué en son milieu par un long passage ambient. Mais tout ceci est désespérément prévisible et périmé. Précisément à mille lieux du hip-hop numérique d'aujourd'hui.

Maintenant que les clés sont données, à vous de savoir quoi faire : écouter ou pas Of Cities. Sachant que personne n'en parlera ou qu'au pire il sera oublié dans deux semaines. Sachant aussi que vous pouvez passer à côté d'un beau moment, plein de savoir-faire et d'effluves poétiques. Je laisse in extremis une troisième possibilité, écouter à la place l'excellent disque de Blue Sky Black Death intitulé Late Night Cinema, sorti l'an dernier, qui offrait un regard un peu plus personnel sur cet abstract hip-hop qui appartient bien au passé. Dj Shadow avait fondé cette esthétique avec Endtroducing, il l'a refermé une décennie après avec The Outsider. Et en 2009, plus personne ne peut rentrer dans la boucle.