Music For A Piano/Music For A Book

Nicolas Bernier

Home Normal – 2013
par Simon, le 21 janvier 2013
8

Cela fait maintenant cinq longues années qu’on écoute du Nicolas Bernier. Qu’on écoute tout Nicolas Bernier. Depuis ce temps, le compositeur est devenu un ami proche de la rédaction – en témoigne, entre autres, ses lignes dans notre série Off The Radar – ce qui ne facilite pas la tâche. Pourtant, on n’a jamais eu aucun mal à décoder sa musique depuis ce jour béni où Les Arbres nous est passé entre les mains. Depuis, on a enchaîné les chroniques, les dossiers, les interviews et les news récapitulatives pour vous faire comprendre que ce gars est largement au dessus de la mêlée.

Et on remet le couvert, une fois de plus. Quinze albums en cinq ans, un rythme de boucher pour une musique qui n’a jamais cessé d’être intrinsèquement consciente, à l’écoute de ses propres inspirations. Une discographie qu’on ne peut que vénérer puisqu’elle tape dans la qualité constante. Aucun projet pris à la légère, tout va ici dans le sens d’un parcours initiatique sans cesse remis à zéro. Vous l’aurez compris, notre admiration pour Nicolas est sans faille ; et parler d’amour musical en 2013 est assez rare pour ne pas être souligné.

Après son projet collaboratif Quarz (sorti sur Crónica) et l’excellent Travaux mécaniques sorti sur Empreintes Digitales, Nicolas Bernier nous revient à quelque chose d’étrangement familier. Si Music For A Piano/Music For A Book n’étonnera pas les fans hardcore du Canadien, c’est que ce double-disque est du Nicolas Bernier pur jus. Un énorme flash-back à l’époque où nous le découvrions via des disques comme Les Arbres ou le diptyque Objet abandonné en mer…/…Et retrouvé en forêt.

Une musique de détail, qui combine à merveille les charmes de l’ambient, du field recording, de l’electronica signalétique ou du modern classical. Sauf que mis ensemble, cela ne peut provenir que de lui, et de lui seul. Peut-être parce que ses études de composition électro-acoustique n’ont jamais pris le pas sur le sens et l’instinct ; peut-être alors parce que l’amour naïf des mélodies et du beau ne l’a jamais dévié de sa rigueur d’écriture. Une histoire de balance, d’équilibre permanent. C’est véritablement cette notion d’équilibre, d’écoute de soi, qui fait de lui ce compositeur si noble. Nicolas pourrait tout écrire, son sens de l’instrumentation le préserve de tout faux pas.

Music For A Piano d’abord : disque écrit dans les Rocheuses canadiennes, éclaircie faite d’instrumentations classiques (piano, violoncelles, glockenspiel, melodica) et de vibrations électroniques. C’est comme d’habitude extrêmement prude, mesuré et magnifiquement touchant. Une sorte de conte qui ne se raconte pas vraiment, qui se vit comme une traversée dans les bois un matin qui caille ou comme une semi-molle au réveil. Ce premier disque est terriblement bien balancé (on y revient, une fois de plus) par Music For A Book – bande-son pour une nouvelle de Marc-André Moutquin. Le titre du bouquin qui est ici illustré, « Entre l’aurore et la nuit » - nous dispenserait presque de devoir écrire quoi que ce soit sur ce deuxième disque tant il est évocateur. Un disque nocturne, une version plus claire-obscure des rires entrevus sur la première plaque.

On pourrait gloser cent ans sur ce qui fait de Nicolas Bernier le héros discret qu’il est. On a toujours préféré vous diriger calmement sur un univers qui s’ouvre à tous. Music For A Piano/Music For A Book est à nouveau tellement fin, millimétré, spatialisé et tout simplement beau qu’on aurait tort de changer notre ligne de conduite à l’égard de ce compositeur de classe internationale. Nicolas Bernier est un grand, et ce disque est à son image.