More Rain

M. Ward

Merge – 2016
par Jeff, le 6 avril 2016
6

Il y a des artistes qui vieillissent admirablement bien, trouvant encore la motivation de prendre le pouls de leur époque. Avant de ranger ses nombreux costumes au placard, David Bowie a eu l'élégance de nous livrer un des meilleurs albums de l'année, que l'on rangera également parmi les nombreux incontournables de sa discographie. Il y en a d'autres qui vieillissent mal, mais franchement, c'est pas le genre de la maison de tirer des rafales de kalach' sur l'ambulance.

Et puis il y a plein d'artistes très doués qui vieillissent, tout simplement. C'est un processus naturel qui fait que, sans vraiment pouvoir y opposer une quelconque résistance, l'immense majorité d'entre nous se découvre une passion soudaine pour le brunch et le running une fois passé le cap stratégique de la trentaine, par exemple. 

Avec ses 42 printemps et ses huit albums en solo au compteur, M. Ward n'est pas vraiment ce que l'on peut appeler un bleu. Ni un manchot. C'est juste qu'il fait désormais partie de ces types au talent fou chez qui la fougue des débuts s'est progressivement fait la malle pour céder la place à une musique qui recycle les bonnes idées avec une pantouflardise un tantinet coupable.

Des signes discrets d'encroûtement avaient déjà pointé le bout de leur nez sur A Wasteland Companion, sans que cela n'entrave trop le plaisir d'écoute. Mais on se retrouve quatre ans plus tard confronté à une désagréable impression : celle que ce folk pourtant si atypique tourne dangereusement en rond, frôle parfois avec le caricatural et nous fout trop souvent une envie irrépressible de ressortir des caisses l'indispensable trilogie formée de The Transfiguaration of Vincent (2003), Transistor Radio (2005) et Post War (2006).

M. Ward ne se fait plus chier : le pilote automatique est là, alors pourquoi ne pas s'en servir ? C'est alors en arrière-plan ou par fulgurances épisodiques que l'on retrouve ces mélodies à la beauté fragile, que l'on se laisse emporter par cette voix légèrement rauque qui masque maladroitement la timidité. Forcément, écouter More Rain devient vite un exercice très frustrant. Et encore, en chroniqueur consciencieux, je me suis astreint à des écoutes répétées pour me faire un avis. Malheureusement, il n'est pas certain que l'immense majorité des gens qui se laisseront tenter par ce nouvel album de l'Américain se permettront ce luxe...

Le goût des autres :
7 Maxime