Monkeytown

Modeselektor

Monkeytown Records – 2011
par Aurélien, le 18 octobre 2011
6

C'est avec une impatience difficilement contenue que l'on déchire le plastique qui entoure le beau digipack du troisième album des Teutons les plus jouissifs de la techno, dont le casting vocal en or massif nous avait, il faut bien le dire, passablement excité. Mais ce n'est que le CD enfin dans le lecteur que le doute s'installe: et si Monkeytown était le faux pas que l'on était convaincus que le groupe ferait bien un jour à trop jouer la carte de l'ambiguïté?

Car si Modeselektor est passé expert dans la déstructuration vocale de ses invités, on ne peut s'empêcher de remarquer que Monkeytown est de loin l'album qui laisse le moins la parole au seul duo, et que cela se ressent pas mal : les rares moments un peu primaires ont un mal fou à se conjuguer avec le reste d'un tracklisting qui a tendance à calmer le jeu niveau BPM ou à trop chercher l'air du temps. Ainsi, alors que « Blue Clouds » nous évoque un Flying Lotus moyennement inspiré et que « German Clap » singe jusqu'à la stigmatisation les délires du jouissif Bok Bok, on a vite fait de réaliser que Monkeytown consacre une flagrante absence de compromis pour les deux zozos de Modeselektor qui, trop occupés à se cogner la tête sur le revival garage d'outre-Manche, semblent en avoir partiellement oublié ce pour quoi ils sont réellement doués. On peut heureusement compter sur leur savoir-faire artisanal (la basse-torgnole d'« Evil Twin », les triolets 8-bit de «Grillwalker») pour compenser un certain manque de fraîcheur par une efficacité sans faille.

A l'arrivée, ce sont clairement les séquelles de la passe Moderat qui sauvent ce troisième album de la lourde déception, d'abord parce qu'elles permettent aux Berlinois de renouer sur « Pretentious Friends » avec le flow TGV du flamboyant Busdriver (car oui, « BeatsWaySick » n'était qu'une B-Side), ensuite parce que collaborer avec PVT et Thom Yorke avec cet antécédent discographique en mémoire, ça laisse entrevoir de sacrées promesses. Ainsi, alors que « Green Light Go » et « Shipwreck » nous laissent un solide arrière-goût de jam krautrock malade réalisé par une bande d'insomniaques en mal de funk, « This » et son chant plus décomposé qu'un miroir passé par la fenêtre du sixième étage fascine par son ambiguïté. En même temps, il faut bien faire oublier un « War Cry » inutile ou un « Berlin » glitchy sur lequel les chœurs R'n'B de Miss Platnum se révèlement hors de propos.

Nous serons honnêtes: la paire Gernot Bronsert/Sebastian Szary nous a habitué a plus de créativité et d'homogénéité par le passé. Trop concis pour s'extirper du cadre de « l'album-compilation » et le cul sur trop de chaises pour se montrer aussi pertinent que l'album de Moderat, Monkeytown n'en garde pas moins de précieuses individualités qui lui permettent de conserver la tête hors de l'eau et de se montrer, à défaut de révolutionnaire, plutôt honnête. Gageons juste que le gros singe aux yeux rouges en a encore sous la patte pour nous régaler de bananes un peu plus mures car, malgré l'évident carton commercial de ce nouvel album, on restera sur notre faim jusqu'à la quatrième livraison.

Le goût des autres :