Momentary Masters

Albert Hammond Jr.

Vagrant – 2015
par Jeff, le 1 août 2015
8

Les Strokes fonctionnent un peu comme l’Union européenne. Ils ont besoin d'un moteur franco-allemand pour faire tourner la machine. Pour le groupe, c’est la paire Julian Casablancas - Albert Hammond Jr

En 2015, les Strokes comme l’Union européenne connaissent des jours difficiles après des débuts enthousiasmants. En Europe comme chez les Strokes, quand les choses ne vont pas, on observe un repli, une résurgence des intérêts nationaux et de l’individualisme, avec des fortunes souvent très diverses.

Vu comment le groupe carbure à vide depuis First Impressions Of Earth (qui date quand même de 2006), tout le monde ou presque a jugé utile et/ou salutaire d’ajouter quelques lignes au CV sans le concours des copains. Pour certains, l’aventure a relevé de la pure récréation (le projet Little Joy de Fabrizio Moretti). Pour d’autres il y a eu une vraie volonté d’essayer des trucs quitte à se vautrer (WTF le dernier album de Julian Casablancas + The Voidz).

Et puis il y a Albert Hammond Jr., dont la carrière en solo a toujours été indissociable de l’esthétique sonique défendue sur les premiers albums des Strokes, notamment parce qu’il en est le principal architecte, tandis que Casablancas est crédité à l'écriture. Il n’aura donc jamais été compliqué de déceler la filiation avec le groupe qui l’a rendu riche, célèbre et trop accro à diverses substances.

Et ce n’est pas avec ce troisième album que les choses vont changer. Version plus pop et moins mordante des premiers albums des Strokes, il s'agit d'un wok’n'woll plus très garage mais toujours très efficace. La démarche rappelle en fait l’une des meilleures surprises de cette année 2015: Policyle premier album d’un Will Butler qui ne s’est jamais senti aussi à l’aise que sans ses camarades de jeu d’Arcade Fire. Ceux qui auront écouté et aimé le disque du Canadien sauront de quoi on parle: une musique qui vise l’efficacité et se plait à arrondir les angles sans jamais verser dans la facilité ou le poujadisme.

Quant à ceux qui suivent la carrière en solo d’Albert Hammond Jr. depuis Yours to Keep, ils apprécieront d’autant plus ce disque que ses précédents efforts manquaient parfois de cohérence et de liant pour véritablement transformer l’essai. Aussi, quand on se retrouve devant des singles aussi efficaces que "Born Slippy" ou "Losing Touch", et quand on voit avec quel aplomb le mec reprend le "Don't Think Twice" de Bob Dylan, on se dit que les Strokes auraient tout intérêt à laisser leur guitariste plutôt que leur chanteur présider à leur destinée. On trouve sur Momentary Masters ce mélange de réalisme, d'humilité et de vision qui en fait un disque particulièrement agréable sans péter plus haut que son cul. Angela Merkel et François Hollande like this?