Mala In Cuba

Mala

Brownswood Recordings – 2012
par Aurélien, le 29 septembre 2012
7

Que ce soit en traumatisant le UK garage jusqu'à poser les premières racines du dubstep ou en confortant sa position de parrain en fondant Deep Medi Records, Mala s'est toujours posé comme l'une des consciences les plus pertinentes de la scène dubstep. Et si l'auteur du démentiel Return II Space n'avait jusqu'alors pas eu besoin du soutien des esgourdes dorées de Gilles Peterson pour nous épater et sortir avec élégance de sa zone de confort, le voir s'éloigner de Londres pour que le boss de Brownswood Records l'accole à une troupe de musiciens cubains nous a fait, il faut l'avouer, passablement flipper. A l'arrivée néanmoins, une seule écoute de Mala In Cuba suffira à remettre les choses en place: la moitié de Digital Mystikz n'est pas franchement du genre à se tirer une balle dans le pied. Elle arrive même à faire d'un concept vaseux un monolithe plutôt jouissif.

Dès le départ, il s'agit de mettre les choses au clair: en dépit de tout ce que son titre peut faire naître comme imageries bancales, Mala In Cuba est un album dubstep pur et dur dans la droite lignée de ce que des gens respectables comme Goth-Trad ont sorti cette année. Point donc de ''Samba Di Janeiro'' à gros wobbles et autres mélanges indigestes entre deux cultures qui se font résolument la nique. Cette plaque se chargera plutôt d'infliger à la culture havanienne un passage à tabac du plus bel effet où les skunks de piano s'égarent dans un fracas de reverb, de bongos épileptiques et de nappes électroniques rugueuses. Pur produit de dub digital, le labyrinthe mystique dévoilé par Mala ne se laisse pas aisément dominer, mais préfère délaisser l'aspect live de ses antécédents pour s'amouracher d'une dynamique plus domestique, qui rend le disque mieux appréciable dans sa globalité. Et telle une relecture moins grassouillette mais tout aussi habitée du dernier opus de Filastine, on parcourt la plaque du dubmaker comme une balade à découvert en plein milieu d'un Damas balayé par les rafales, les yeux injectés de sang, à la recherche de la première révolution à portée d'esgourde. Et bien qu'il arrive parfois que Cuba prenne par moments un pénible avantage sur Londres, occasionnant son petit lot de pistes un peu plan-plan, on quitte l'album sur les dernières mesures de ''Noches Sueños'' avec une incontrôlable rage au cœur, quelques blessures de guerre et le sentiment que le combat continue, encore et toujours, jusqu'à ce que le sillon tente, en vain, de faire disparaître cet excitant goût de sang dans la bouche.

Moins abouti que ses antécédents en groupe ou ses premiers balbutiements sur 12', Mala In Cuba n'est certainement pas la masterpiece tant attendue de Mark Lawrence - et d'ailleurs, cette plaque aurait même plutôt tendance à tirer vers le bas un artiste qui n'a jamais eu besoin de s'entourer de concepts pour donner une profondeur à sa musique. Mais cette incongrue connexion entre Londres et La Havane, où l'Anglais se pose en remarquable chef d'orchestre habité, vaut toutefois son pesant de cacahuètes pour la remarquable cohérence et la puissance que celui-ci injecte à son premier véritable effort solo. Et si l'on attendait un résultat parfois moins inégal, souvent plus mental et vide de cette obligation de composer en permanence avec Cuba, Mala n'en oublie pour autant pas de maîtriser son sujet et de suffisamment l'enrichir en imageries guerrières pour nous maintenir en haleine quinze titres durant. Une jolie façon de rendre indirectement hommage à la Baie des Cochons, en somme.