Major Key

DJ Khaled

Epic Records – 2016
par Jeff, le 31 juillet 2016
5

À bien des égards, la carrière de DJ Khaled est tout simplement exceptionnelle, au sens premier du terme : en effet, demandez aujourd’hui au fan lambda de hip-hop ce qu’il a véritablement apporté au genre et il sera bien emmerdé pour vous fournir une réponse qui n’évoque pas l’un ou l’autre banger (dont on a bien du mal à se souvenir du refrain), son incroyable carnet d’adresses (constitué à l’époque où il était DJ sur une radio de Miami) ou son quotidien hors du commun (raconté compulsivement par le prisme d’un compte Snapchat en forme de motivational poster en chair, en os et en emojis.) Par contre, quand il s’agit d’évoquer véritablement son travail de producteur c’est tout de suite plus compliqué.

En fait, il faut prendre ce nouvel album de DJ Khaled (et tous ceux qui l’ont précédé) comme un nouvel épisode des Avengers au cinéma : des moyens techniques immenses sont mis au service d’un réalisateur de seconde zone à qui on ne demande surtout pas d’imprimer sa personnalité à l’œuvre. Quant au casting, il pèse très lourd et très cher. Et ce n’est pas avec Major Key que les choses vont changer. On peut même parler de ce disque comme le couronnement d’une carrière, d’une vision qui met l’apologie du vide au cœur même de sa réalisation.

Car sur cet album gras comme un loukoum, il n’y a finalement pas grand chose à sauver une fois passé le sugar rush que procure la seule lecture du tracklisting (à part peut-être Kanye West, ils sont tous là) et l’excitation provoquée par les premiers « WE THE BEST MUSIC » hurlés par un DJ Khaled qui fait tout son possible pour nous rappeler qu’on est bien sur un album qui porte son nom sur la pochette – qui est probablement l’une des plus incroyables de 2016, soit dit en passant.

Après, c’est tout de suite moins rose : on en prend certes plein la vue d’emblée (et ici on remercie Khaled d’avoir pondu un titre qui donne l’impression que Jay-Z est encore pertinent en 2016), mais l’auditeur un brin malin aura vite fait de détricoter les ficelles d’un disque qui ne fonctionne que par sa capacité à bander les muscles comme un gros kéké. C’est généralement une parade un peu vaine, même si on se doit de reconnaître que ça fonctionne à l’occasion. Ainsi, on se félicite que Kendrick Lamar ait bien voulu participer à une plage-titre punitive au possible. Ailleurs, c’est finalement quand DJ Khaled consent à jouer un peu la carte de la modestie que ça marche le mieux, à l’image du salasse « Fuck Up The Club » magnifié par un refrain de Future ou du menaçant « Don’t Ever Play Yourself » sur lequel il laisse la vieille garde (Fabolous, Fat Joe, Busta Rhymes et Jadakiss) se faire plaisir.

Dans 10 ou 15 ans, DJ Khaled aura probablement quelques albums de plus au compteur et ce sera le bon moment de sortir un best of qui sera un beau résumé de ce qu’était le rap de club à notre époque, c’est-à-dire une musique doucement mongole et d’une vacuité que seuls quelques grands producteurs auront su éviter. Pas sûr que l’histoire du double HH lui réservera une place à côté de Dr. Dre, Metro Boomin’ ou DJ Premier par contre. Mais en même temps DJ Khaled s'en fout : sa notoriété lui permet de ramasser des millions sans vraiment avoir à se soucier de la qualité. Car, malgré son casting impressionnant, ce 9e album studio se positionne exactement dans la lignée de Kiss The Ring, Suffering From Succes et I Changed A Lot : des albums que, soyons honnêtes, plus personne n'écoute aujourd'hui. Another one...

Le goût des autres :
6 Ruben 7 Tariq