Made In The Manor

Kano

Parlophone Records Limited – 2016
par Tariq, le 15 avril 2016
8

Depuis une paire d'années, l'industrie de la musique essaie de nous vendre l'idée selon laquelle le grime serait sur le point de connaître son explosion mainstream - en même temps, après avoir vu le dubstep, le garage ou la UK Funky être sous les feux des projecteurs, ce serait mérité. Si citer Skepta et l'époque Roll Deep est devenu le comble du chic aujourd'hui, force est de constater que cet éclat tarde à se matérialiser.

Alors que le monde entier attend le Konichiwa du nouveau meilleur ami de Drake (un album qui pourrait servir de rampe de lancement pour les bataillons de bouffeurs de mic venus du East London), c'est un autre pionnier du genre qui a livré le mois dernier, et dans une relative indifférence, un long format de toute première bourre.

Sur Made In The Manor, Kano extirpe le grime des clubs et des salles moites où il aime s'épanouir, pour faire le bilan d'une quinzaine d'années passées à faire vivre le mouvement. Il adopte la posture du vétéran, pas éloigné de ce que propose un Mac Tyer en France, par exemple. Le ton est celui d'un homme qui n'est plus dans le feu de l'action et qui peut aborder les choses avec le recul donné par les années qui passent.

Pourtant, loin de verser dans un moralisme plombant, Kano utilise cette distance pour dresser une fresque colorée de la vie dans l'est londonien, pour raconter ses épisodes joyeux et ses moments difficiles. Qu'il aborde les après-midi ensoleillés dans son quartier d'enfance ("T Shirt Weather In The Manor"), les week-ends alcoolisés ("Drinking In The West End") ou les premières années de la scène grime ("This Is England"), il parvient à sonner toujours juste et touchant.  

Musicalement, Kano embrasse ici l'héritage du East London. Ainsi, l'album est traversé par les influences reggae, garage et ragga-dancehall du Londres afro-caribéen. Délaissant le tout électronique inhérent au genre, il préfère s'appuyer sur une instrumentation plus live à l'image des guitares heavy-metal de "Hail", des cuivres de "3 Wheel-Ups" ou des notes de piano délicates de "Endz". Résultat : un album à la saveur très pop et radio-friendly, ce qui pourra en agacer certains - mais si votre cœur ne fond pas à l'écoute du sample rock FM de "Drinking In The West End", vous n'avez pas d'âme. 

Le goût des autres :