Lovetune for Vacuum

Soap&Skin

PIAS – 2009
par Splinter, le 20 mai 2009
9

Est-ce parce que, sur la pochette de son premier album, Anja Franziska Plaschg, alias Soap&Skin, est coiffée comme Johnny Depp dans le mythique Edward aux Mains d'Argent, ou bien parce que le thème de ce premier album est ouvertement sinistre, voire mortuaire, à l'image de cette « Marche Funèbre » en piste 10 ? Toujours est-il que ce Lovetune for Vacuum évoque fortement le réalisateur Tim Burton, son étrangeté, sa noirceur, son imaginaire, son aspect décalé (des chansons d'amour pour passer l'aspirateur, vraiment ?), sa fragilité également, en tout cas celle de ses héros, qu'il s'agisse d'Edward ou de Victor Van Dort, le personnage central des Noces Funèbres.

Déjà entraperçu à l'écoute d'un premier maxi absolument remarquable sorti l'an dernier et qui nous avait fait forte impression grâce à un seul titre, exceptionnel, « The Sun », le talent de Soap&Skin éclate aujourd'hui dans toute sa démesure. Née en 1990, il n'y a donc même pas encore vingt ans, la jeune Autrichienne et petit prodige fait désormais partie du club très fermé des songwriters féminines qui parviennent à faire entrer l'auditeur, qui ignore tout de son sort  mais s'en délecte à l'avance, de plain pied dans un univers extrêmement personnel et dont il aura grand peine à s'extraire. Qu'il s'agisse de l'Anglaise Natasha Kahn (alias Bat for Lashes) ou encore de la Française Emilie Simon, rares et précieuses sont les demoiselles à posséder un tel sens du discours musical, à happer le public, à lui distiller un charme ô combien venimeux et pourtant absolument divin.

Dès les premières écoutes, il apparaît comme une évidence que le premier album de Soap&Skin est un diamant noir finement ciselé, un véritable bijou, composé pour l'essentiel de ballades au piano surmontées de la voix d'ange d'Anja Plaschg, comme la douce « Cry Wolf » ou la déchirante « Extinguish Me », d'une beauté phénoménale et renversante, ou encore « Turbine Womb », qui lui fait suite. Personne ne peut rester insensible devant l'évidence de ces mélodies d'une tristesse absolue, dans une ambiance glaciale, à l'image de ce que peut produire un voisin, Maximilian Hecker. Ces titres créent un pont presque inédit entre musique classique et pop, voire électro, puisque l'Autrichienne n'a pas son pareil pour agrémenter ses morceaux de petits artifices et leur conférer, in fine, des atours surprenants, comme « Fall Foliage », véritable petit glaçon à en donner la chair de poule.

De fait, Lovetune for Vacuum est peut-être le plus beau disque de piano moderne depuis le Solo Piano de Gonzales, dans un registre toutefois assez différent. D'une perfection saisissante, chacun de ses morceaux transporte l'auditeur pour ne plus le lâcher. Et les mots manquent pour décrire les sentiments ressentis à l'écoute d'un titre comme « Mr Gaunt Pt 1000 », d'une intemporalité absolue. Il ne faudrait toutefois pas occulter les titres un peu plus expérimentaux de Miss Plaschg, comme « DDMMYYY », un morceau particulièrement décalé mais somme toute passionnant. En clair, voici un album que personne n'attendait et qui place Soap&Skin au rang d'énorme révélation. Tout simplement magique. Tout simplement indispensable.

Le goût des autres :
7 Nicolas 8 Popop