Love At The Bottom Of The Sea

The Magnetic Fields

Domino  – 2012
par Michael, le 23 mai 2012
7

Stephen Merritt a du mérite (elle était facile). Voilà un un songwriter admiré par ses pairs qui a connu la gloire, encensé par la critique à l'époque de 69 Love Songs mais qui vit dans un relatif oubli médiatique depuis sans avoir jamais réussi à atteindre un succès commercial qui serait pourtant bien mérité. Car Merritt est un petit génie, ceux qui ont un jour plongé la tête la première dans l'oeuvre des Champs Magnétiques le savent. Mélodiste hors-pair capable d'enfiler des perles de chansons comme d'autres les bouses les plus convenues. Des chansons de prime abord simples mais qui se révèlent au fil des écoutes d'une finesse et d'une perfection dont sont tressés les grands classiques. Merritt est en outre un parolier brillantissime, capable d'élever le pourtant bien éculé créneau de la "love song" vers des cimes que peu sont capables d'atteindre,  transformant des titres aux atours normaux en un perpétuel émerveillement pour l'auditeur, entre tendresse naïve et causticité hilarante, le tout rendu avec une délicieuse justesse. 

L'insuccès de Merritt tient sans doute en partie à son goût pour la bricole, les claviers et les rythmiques cheap, des productions presque lo-fi qui ne répondent pas au cahier des charges du hit certifié platine mais font toutefois une bonne partie du charme de cette musique qui en tire une fragilité qui n'en est que plus touchante. Love At The bottom Of The Sea fait suite au diptyque Distortion/Realism qui aura exploré deux des passions de Merritt : la pop acide de The Jesus And And Mary Chain et le folk britannique de la fin des années 60 au début des années 70 (Fairport Convention, Pentangle). Il sonne comme un retour aux sources du groupe, à savoir une pop synthétique fragile, semblant faite de bric et de broc avec des claviers d'enfants achetés aux puces.

Ainsi "God Wants Us to Wait" porté par la voix de la fidèle Claudia Gonson nous met d'entrée dans le bain  avec ce son qu"on croirait tout droit sortit de Holiday. On retiendra ensuite dans la playlist "Andrew in Drag", le premier single qui a annoncé l'album avant sa sortie, love song atypique, une sorte de "Lola" des Kinks version contemporaine. Il est au passage amusant de constater que même si Love At The bottom Of The Sea n'est pas à proprement parler un concept album tel que le furent ses prédécesseurs, Merritt n'aura pu s'empêcher quelques petites contraintes créatives : presque tout l'album est construit sur une alternance femme/homme qui s'illustre dans le chant et qui donne à la structure l'impression d'un dialogue au long cours où chaque chanson répond à l'autre. De plus, on note également qu'aucun titre n'excède les 2 minutes 40, tous étant construits sur une structure extrêmement simple et dépouillée (pas simpliste pour autant). "I'd Go Anywhere With Hugh" est une de ces petites merveilles sucrées que l'on aime à trouver chez les Magnetic Fields, une magnifique mélodie nostalgique dans un esprit très Spectorien, tout comme "I've Run Away to Join the Fairies" le genre d'instantané que l'on a l'impression d'avoir toujours connu. Enfin, et même si ce Love At The bottom Of The Sea n'est certes pas au niveau qualitatif d'un I ou d'un Distortion, comment ne pas tomber amoureux d'un groupe qui conclut son album par un "All She Cares About is Mariachi" sur la voix de crooner dépravé de Merritt ?

Le goût des autres :
8 Julien L