Live At The Royal Albert Hall

Arctic Monkeys

Domino – 2020
par Nico P, le 16 décembre 2020
8

Mine de rien, cela fait maintenant près de quinze ans que la chance nous est offerte de voir grandir et maturer Alex Turner. Nous l’avons connu adolescent boutonneux, portant jogging et mocassins sans se soucier des codes et du lendemain, auteur du premier album le mieux vendu d’Angleterre à l’époque (Whatever People Say I Am, That's What I'm Not en 2006), pour finalement devenir, au fil des années et des disques (un par an environ, avec les singes, les Last Shadow Puppets, ou en solo), l’un des compositeurs d'outre-Manche les plus inspirés, tout à la fois héritier et garant des traditions, mais aussi tête chercheuse et inspiration d’une génération future. Alex Turner est un joyau, aussi parce qu’il se moque de l’être.

7 juin 2018, sur la scène du Royal Albert Hall, les Arctic Monkeys défendent les couleurs de leur sixième album, Tranquility Base Hotel & Casino, mais aussi une association, War Child, venant en aide aux enfants ayant connu la guerre. Les bénéfices de la vente de cette captation vont à cette dernière, et ce n’est pas la moindre de ses qualités. On leur aura reproché beaucoup, ici de devenir américains, de chanter le désert et les Mustangs en laissant de côté les taxis et les kebabs, là de se tenir soigneusement à l'écart de toute médiatisation exacerbée (et dieu sait que 2006 était une année folle), mais ils sont toujours là, plus actifs et inspirés que jamais. Car aucun album des Arctic Monkeys ne ressemble réellement au précédent, passant sans sourciller de la pop rurale aux hymnes de stades, du stoner au blues, de la comptine au blues le plus cradingue.

Toutes proportions gardées, cet album live est au quatuor ce que l’album Alive 2009 fut aux Daft Punk : la colle, l’adhésif permettant à une discographie en apparence éclatée de devenir une et indivisible. Vingt titres en presque autant d’années de carrière se succèdent donc sans jamais perdre de vue l’essentiel : les Arctic Monkeys sont un grand groupe de live, aussi parce que tout n’est pas parfait. La voix peut s’enrailler, la batterie prendre le pas… Tubes évidents (“The View From The Afternoon”, “R U Mine ?”) côtoient d’excellentes surprises (“Pretty Visitors”, “Knee Socks”). Et Alex Turner, plus que jamais, s’impose comme un crooner sans paillette, à la voix limitée, certes, mais qui mieux qu’aucune autre, raconte une vie dédiée au rock’n’roll, aux virées nocturnes, et aux jolies jeunes filles. Les choses importantes de la vie donc. Les seules.