LIFE'S A TRIP

Trippie Redd

TenThousand Projects – 2018
par Aurélien, le 12 septembre 2018
6

Il y a quelques mois, Post Malone accouchait d'un disque qui parvenait à réconcilier le rap avec un esprit rock californien, autant dans l'attitude que dans le ton superposable de chacun des morceaux. Il faut bien dire que de l'autre côté de l'Atlantique, on s'ennamourache volontiers de la musique et de l'arrogance de ces nouvelles rockstars aux noms improbables, tous plus laids les uns des autres - 6ix9ine, Ski Mask The Slump God ou XXXtentacion. Pour ces héros du nouveau millénaire, toutes les raisons sont bonnes pour défrayer la chronique et proposer de l'entertainment en flux continu. Pour vous faire une idée de ce qu'on raconte, l'interview de Lil Pump par Nardwuar ou le diss de Vic Mensa par 6ix9ine au micro de Power 105.1 devraient faire l'affaire, en plus de résumer à merveille toute cette nouvelle scène.

Sur le papier Trippie Redd n'a rien de différent de tous ces merdeux plus habiles pour faire les malins sur Instagram que pour accoucher de mixtapes mémorables. Comme ses comparses, il a l'air d'un hobbit sorti d'une trap house d'Atlanta, et il essaie de ne ressembler à rien pour attirer encore un peu plus l'attention sur son personnage. Chez lui pourtant, la musique nous rattrape vite. Nous touche même: plus que chez n'importe qui, Trippie Redd a ce côté adolescent strictement irrésistible alors qu'il est trop jeune pour avoir connu les plus belles heures de Blink-182. Ce qui était déjà criant au format mixtape l'est, de manière plus évidente encore, sur son premier album LIFE'S A TRIP: ici, on s'amuse en plus à mélanger les guitares à des éléments relevant davantage du champ lexical de la trap. D'ailleurs, on ne se trompe pas trop en disant que LIFE'S A TRIP ressemble à un disque de Rivers Cuomo produit par un Lex Luger qui se serait enfilé deux bouteilles de rosé pamplemousse. Un théâtre où règne la démesure, et à l'image de la personnalité unique du jeune Trippie, qui insuffle au disque énergie contagieuse, avec ou sans l'aide d'invités de prestige - citons quand même Young Thug et Travis Scott.

Paru entre l'ambitieux ASTROWORLD et le sympathique Queen, ce petit rayon de soleil qu'est LIFE'S A TRIP s'est trouvé, en dépit de ses immenses qualités, éclipsé par les deux blockbusters susmentionnés. Un peu dommage quand on voit que ce premier disque, sans être en rupture totale avec les précédents efforts du natif de l'Ohio, offre une vraie proposition et ne manque pas de titres impeccables. S'il n'a pas la prétention d'être parfait et est plombés par quelques parenthèses plus pénibles, la palette de couleurs sur laquelle travaille le disque le rend plus intéressant que la moyenne. Et c'est bien assez pour se dire que, entre Beautiful Thugger Girls l'an dernier et LIFE'S A TRIP cette année, Young Thug et Trippie Redd ont, ensemble, réussi à mettre un terme à la bisbrouille entre le rap et les guitares déclenchée par le Rebirth de Lil Wayne. Et rien que pour ça, on leur dire merci.

Le goût des autres :