King of Jeans

Pissed Jeans

Sub Pop – 2009
par Romain, le 12 novembre 2009
7

Quand on s’ennuie ferme dans une ville pourrie par le chômage et qu’on prend une guitare, c’est plutôt pour brailler que pour chanter la joie de vivre. Ca, Matt Korvette et ses comparses, comme une ribambelle de groupes punk avant eux, l’ont bien compris. Issus d’Allentown, troisième plus grosse ville de Pennsylvanie et bourbier notoire, c’est tout naturellement que ces types se sont lancés sur le chemin de la contestation sociale, dans les traces de Black Flag, Flipper, et autres pontes du hardcore des années 80 made in California.

Pourtant on est loin des hymnes « anti », classiques du genre. Pissed Jeans nivelle les grandes causes par le bas en dénonçant les petits tracas du quotidien en lieu et place de la machinerie capitaliste ou de l’état policier. Leur précédent opus chez Sub Pop, Hope For Men, leur avait valu le titre de grands maitres du dérisoire et du banal, et pour cause ! Pissed Jeans est peut-être le seul groupe au monde qui peut se vanter d’avoir pondu un titre décoiffant à propos… d’une crème glacée ! Certains trouvent dans ce type de textes la source d’un questionnement métaphysique infini ou le témoignage d’une angoisse existentielle incommensurable, nous, nous gageons plutôt - à raison sans doute - que Pissed Jeans fait dans l’autodérision. Crise de la trentaine, femmes revêches et gueule de bois incurables, autant de thèmes traités à la soude caustique tout au long de ce King Of Jeans en proposant quelques passages étonnants ; il est notamment question sur « Spent » du manque de réconfort apporté par l’ingestion d’un verre d’eau au petit matin, ou, sur « False Jesii Part 2 », de l’intérêt de porter un T-shirt noir et de jouer du conga !

Au niveau instrumental, on l’a dit, Pissed Jeans va chercher dans le hardcore primaire et noisy à souhait. Ils nous servent un jeu de guitare bien lourd, tissé de riffs simples et vrombissants, qui va parfois se perdre dans le stoner ultra-pesant façon Sleep (« Spent »). Entre des titres bien plus rythmés, de ceux qui cassent un dos en huit à force de headbanging (« Half Idiot » ou « Dream Smotherer »), on trouve des réclamations suaves (« Request for Masseuse » ; ça tombe bien !) et quelques pamphlets fustigeant l’American way of life (« Pleasure Race », « Goodbye (Hair) » ; il en fallait bien un peu tout de même). Le tout est orchestré de main de maitre par Alex Newport (At the Drive-in, The Locust, Sepultura), une valeur sûre au pays du heavy.

Du tout bon en vérité, ce King Of Jeans! Si vous avez encore quelques réticences à passer la tête de votre boss à la photocopieuse ou à renvoyer votre épuisante bonne femme à ses parents, il n’est pas impossible que cette plaque vous donne un coup de pouce pour passer à l’action : Pissed Jeans vous sait nerveux, mais Pissed Jeans est là pour vous !

Le goût des autres :
6 Jeff 6 Laurent