Ivory Tower

Gonzales

Gentle Threat – 2010
par Jeff, le 1 septembre 2010
7

A ce jour, que retient-on de la carrière de Jason Beck, mieux connu sous le nom de Chilly Gonzales? Sûrement qu'il a battu le record du monde du concert le plus long. C'était il y a quelques mois, et pendant 27 heures 3 minutes et 44 secondes, le songwriter canadien a fait le pitre dans la salle parisienne du Ciné 13. Et franchement, on ne peut pas parler de point culminant d'une carrière. Par contre, il y a souvent moins de monde pour vous parler des autres faits d'armes du bonhomme, comme quelques albums excellents (Presidential Suite ou The Entertainist pour le label teuton Kitty-Yo), le travail d'écriture ou de production pour des gens comme Feist et Katerine ou les petits services rendus aux Puppetmastaz ou à Jamie Lidell. Mais voilà, aux yeux de beaucoup de gens, Chilly Gonzales reste un aimable et inoffensif clown dont on aime se délecter à l'occasion des conneries en tous genres.

Mais avec le projet Ivory Tower, on voit mal comment les choses ne devraient pas bouger pour le musicien basé à Paris. En effet, Ivory, c'est non seulement un disque, mais c'est également un film sur le thème des échecs au générique duquel on retrouve les copains de toujours Feist, Tiga et Peaches. Mais avant de s'enfiler le long métrage prévu pour l'automne, on peut déjà se mettre sous la dent la bande-originale qui a inspiré le film, et non l'inverse – une démarche qui témoigne si besoin était d'une certaine originalité dans le chef d'un mec qui n'en est pas à une surprise près.

Parmi les raisons principales qui devraient permettre à Chilly Gonzales de bénéficier d'un sacré coup de pub, il y a le fait de retrouver aux manettes d'Ivory Tower un certain Alex Ridha, alias Boys Noize, qui est à la délicatesse ce qu'Amélie de Secret Story est à la classe. Heureusement, avec une personnalité aussi forte que celle de Chilly Gonzales, il fallait s'attendre à ce qu'Ivory Tower ne soit pas une sorte de Oï Oï Oï bis dopé à l'electro-house qui tabasse. Et c'est (heureusement) le cas. Centré autour des acrobaties au piano de Gonzales, Ivory Tower est clairement pour l'artiste un album référence, melting-pot de ses influences et synthèse ultime de ses travaux passés. Ainsi, derrière une production résolument moderne, on retrouve tout ce qui agite le bocal du natif de Toronto: la pop, la house, le disco le hip hop, la soul ou l'eurodance - à petites doses, on vous rassure.

Et même s'il contient quelques temps mort qui empêchent de faire d'Ivory Tower un grand disque, celui-ci ne manque pas de séduire grâce à la force de frappe évidente d'une belle brochette de tracks déjà playlistées et/ou triturées par les plus influents DJ's de la planète: il y a l'inaugural « Knight Moves » et sa ligne de piano qui renvoie aux plus belles heures du nu-disco, « I Am Europe » et son monologue démentiel (« I'm an Imperial armpit, sweating Chianti... I'm a toilet with no seat, flushing tradition down... »), un « The Grudge » minimaliste contenant des punchlines digne des meilleurs rappeurs ou un « You Can Dance » qui aurait pu être piqué aux compatriotes de Chromeo. Mais plus que tout, ce nouvel album marque le retour en force d'un artiste qui, depuis quelques temps, donnait la désagréable impression de diluer son talent dans des projets à trois balles (qui a dit la collaboration avec Arielle Dombasle?) qui le menaient irrémédiablement vers une voie de garage. Welcome back, Chilly Gonzales.

Le goût des autres :
6 Julien