IV Play

The-Dream

Def Jam – 2013
par Tristan, le 14 juillet 2013
8

Pour son cinquième album, The-Dream navigue entre le r'n'b « traditionnel », soit une version encore plus mièvre de la soul (et Dieu sait que la mièvrerie peut atteindre des sommets chez The-Dream), et r'n'b moderne aux sonorités plus froides et synthétiques. Rien d'étonnant en somme, puisque Terius Youngdell Nash est un peu le r'n'b à lui tout seul - du moins le clame-t-il dans « Tron ». Mais même au sein des chansons qui renouent avec une certaine forme de tradition (« Too Early » et ses coeurs magnifiques), on retrouve ci et là des éléments actuels. Mais où cela devient saisissant de schizophrénie, c'est quand l'artiste/producteur navigue avec une facilité déconcertante entre bluettes épiques et paroles de macho bien crades, et ce parfois au sein d'un même morceau. Mais n'est-ce pas ce qui fait le charme du r'n'b: pleurer une rivière pour une fille avant de dire quelques instants plus tard que la seule chose qui compte c'est de la prendre en levrette? A ce petit jeu, « New Orleans » est édifiante.

Mais ce nouvel album de The-Dream (son cinquième déjà) permet de se rendre compte encore une fois que le spectre du r'n'b actuel, qui s'étend de plus en plus et devient acceptable en société, doit énormément au natif de Rockingham, en Caroline du Nord. Capable de faire preuve d'intensité sur « Holy Love », The-Dream rajoute un couplet de Fabolous pour donner une caution hood à « Slow it Down », morceau scandaleusement calibré pour les radios (c'est pas parce qu'il nous dit l'inverse qu'on va le croire hein) et qui pourrait être chanté par Justin Bieber. Mais le pire c'est probablement que ça marche. D'autres rappeurs sont conviés, et rien de moins que Pusha T et Big Sean sur « Pussy » et son synthé trance, et Jay-Z sur « High Art »; deux titres semblables avec leurs refrains binaires et profonds : « Left hand on that booty, right hand on that pussy » pour le premier et « I make love to my girls, I get high with my niggas » pour le second. La deuxième moitié du couple le plus puissant de la musique est également présente sur « Turnt » où l'on trouve un 2 Chainz qui achève de donner une leçon de collaboration rap/r'n'b réussie.

Néanmoins il est difficile de se défaire de l'impression que certains sons sont cheap (le kick de « Michael » et un bon nombre d'éléments de batterie, beaucoup de nappes de synthé) alors que ce mec est censé être un monstre de studio. Petite piqûre de rappel, au cas où: « Single ladies » de Beyoncé, « Baby » de Justin Bieber, « Touch My Body » de Mariah Carey et « Umbrella » de Rihanna, c'est lui et Tricky Stewart. C'est donc forcément voulu, maîtrisé, mais ça en devient parfois gênant. Parfois seulement, car un titre come « New Orleans » fait montre d'un travail de production extrêmement réussi, assez proche de celui du Timbaland du début des années 2000 avec ses expirations samplées notamment. On peut aussi citer « Loving You » et sa rythmique Princienne au rang des approches sonores particulièrement réussie. Et si IV Play paraît (ou est) moins ambitieux (prétentieux?) que le dernier Justin Timberlake, il s'agit ici uniquement de r'n'b plus ou moins futuriste, sans la moindre volonté de révolutionner la pop music,Et c'est peut-être pour cette raison qu'il est plus réussi, surtout mélodiquement.