Impermanence

Agoria

InFiné – 2011
par Simon, le 16 février 2011
6

Mine de rien, Agoria semble aujourd'hui au sommet de sa carrière : chef d'un label, InFiné, qui ne fait que gagner en crédibilité, personnalité remarquable derrière les platines et producteur à temps plein. On accueille donc le troisième album du Français comme le produit logique d'une maturité incontestable, comme l'enfant attendu d'un monstre de la musique électronique « à la française ». C'est donc avec une crédibilité démultipliée qu'Impermanence débarque en ce début d'année, sûr que celui-ci s'apprête à rafler la mises. Pourtant il faut bien l'avouer : si Agoria est un mythe, ses erreurs de producteurs sont à la hauteur de sa renommée, incontournables. Comme d'habitude malheureusement.

Impermanence a eu le bon goût de choisir son camp : il sera deep ou ne sera pas. Changement de cap en quelque sorte à en regarder les deux premiers disques du Français – Blossom et The Green Armchair (la bande originale de Go Fast ayant un statut à part) – qui tapaient partout : techno, house, trip-hop ou electro. Comme pour mieux se disperser, faire l'étalage d'une palette de composition qui le distinguerait des autres. Comme s'il en avait besoin. Au final, si on prend soin d'élaguer de manière critique la carrière du Agoria-producteur, cela donne un personnage insaisissable, trop dilué sur album pour véritablement convaincre. On l'aime comme un artiste diffus, sûr de ses qualités, mais ses longs formats peinent finalement à convaincre totalement.

Impermanence est en ce sens plus cohérent que ses prédécesseurs. Recentré sur une house à caractère deep et lyrique, Agoria trouve véritablement le mode de composition qui lui fait le plus honneur. Il y a d'ailleurs ci et là quelques illustrations d'un talent hors-portée : « Panta Rei », « Grande Torino », « Speechless » (avec le grand Carl Craig aux vocalises sexuelles), « Libellules », autant de titres qui possèdent un cœur et une âme rares. Sur ces titres on se plairait à faire de Sébastien Devaud l'un de nos électroniciens préférés, lui qui nous rappelle les potentialités extrêmes qu'offre la house à ce niveau de maestria. Mais qu'on se le dise aussi, Agoria est le spécialiste des gros ratés. Mais avant qu'on ne se méprenne, il ne s'agit pas ici d'erreurs de débutant. Non, Agoria pêche plutôt par excès de conscience. Il veut trop en donner, car il a trop conscience de ce que pourrait être un disque de musique électronique idéal. Alors il tente coûte que coûte de faire varier son lyrisme – une fois de plus – en se reposant sur des bases qu'il maîtrise, mais qui font tache.

On peut d'ores et déjà supprimer l'entièreté des interludes electronica/drone (« Simon », « Under The River »), elles sont inutiles et remplissent bien mal l'espace. Sur cette même base, on serait bien quitte de cette intro folk/néo-classique complètement mielleuse et hors-propos sur la longueur. « Heart Beating » prend pas mal de risques, et le résultat est finalement mitigé, quoiqu'on ait tout fait pour l'aimer. Donc quoi qu'on en dise, et à moins d'être franc, ce nouvel album d'Agoria se résume en cinq titres en tous points exceptionnels.

C'est là le grand paradoxe du producteur : sa capacité à nous séduire est sans limite, mais il semble garder cette fâcheuse tendance à se mettre lui-même des bâtons dans les roues. A trop calculer et calibrer son disque comme un potentiel objet universel, Agoria en oublie parfois l'essentiel, à savoir qu'il est l'un des meilleurs quand il s'agit de nous pondre des grandes tracks de house. Et c'est dommage sur la longueur.

Le goût des autres :
7 Thibaut