Honor Is All We Know

Rancid

Epitaph – 2014
par Jeff, le 24 novembre 2014
7

Certains artistes vieillissent bien, parce que leur talent naturel est doublé d’une intelligence certaine. Et certains vieillissent plus facilement que d’autres aussi, notamment en raison du style musical qu’ils pratiquent et de la mouvance dans laquelle ils s’inscrivent. A cet égard, on réalise qu’il n’est pas facile d’avoir été et de continuer d’être quand on a obtenu ses lettres de noblesse au sein de la scène punk californienne. La période dorée de Rancid, elle remonte quand même à la fin des années 90. C’est l’époque du séminal …And Out Come The Wolves, certifié disque de platine outre-Atlantique – ça veut dire plus d’un million de ventes et ça fait rêver en 2014. Un disque de punk plutôt léger sur le fond mais engagé sur la forme, clairement calibré pour toucher un large public, et qu’on associait directement au soleil de la Californie dont se revendique le groupe.

Il y a évidemment eu un après …And Out Come The Wolves, et Rancid n’a jamais cessé d’exister. Mais leurs fans eux sont parfois (ou souvent) passés à autre chose. Pourtant, à chaque nouvel album du groupe, c’est le même petit pincement au cœur. Et à chaque tournée, c’est l’envie de se retrouver dans une salle entouré de trentenaires bedonnants qui ont abandonné leurs idéaux d’anticonformisme pour devenir des types rangés qui se sont échappés de femme et enfants le temps d’une soirée pour aller siffler des binouzes avec les copains et voir en vrai les hérauts d’une jeunesse révolue.

Dans cette optique, un nouvel album de Rancid ne peut être considéré comme autre chose qu’un plaisir pas trop coupable, un petit voyage ‘down memory lane’. Un disque dont on aura bien dû mal à juger les qualités sans ce recul attendu de la part d’un journaleux lambda. Surtout que Honor Is All We Know joue clairement la carte de la nostalgie en faisant valdinguer sous nos mirettes de mecs un peu désabusés le cadavre toujours fumant de …And Out Come The Wolves. Ça commence par une signature sur Epitaph,  et ça se poursuit par cette production reconnaissable entre mille de Brett Gurewitz, éminence grise de Bad Religion et gourou du son californien dans les années 90. Cela passe enfin par des titres qui calquent leur structure sur les plus gros hits de la bande à Tim Armstrong, comme « Ruby Soho », « Roots Radical » ou « Time Bomb ». Alors c’est sûr, les titres présents sur Honour Is All We Know n’ont pas la même saveur que les classiques évoqués plus haut, mais le simple fait qu’ils nous donnent envie de gueuler les refrains et de secoueur nos potes comme des cocotiers en hurlant ‘oï oï oï’ est un bon indicateur de l’efficacité du songwriting. 

Bref, Honour Is All We Know est un disque qui fait beaucoup de bien par où il passe. D’autant plus de bien d’ailleurs, que le précédent album du groupe, Let Dominoes Fall, ne nous avait pas laissé un souvenir impérissable. Ce qui veut dire que le dernier album de Rancid digne de ce nom datait quand même de 2003. Alors c’est sûr, en 2014, Rancid n’a plus rien à prouver à personne. Et c’est peut-être mieux ainsi.

Le goût des autres :
7 Amaury L