Has Been

William Shatner

Shout! Factory – 2004
par Jeff, le 30 décembre 2004
8

Star Trek… Le Starship Enterprise… Son énorme tableau de bord plein de drôles de boutons qui clignotent… A ses commandes, un homme, un seul : le Capitaine Kirk. Et là vous vous dîtes : mais qu’est-ce que vient foutre le Capitaine Kirk au beau milieu de cette chronique ? Et bien figurez-vous que l’homme qui se cache derrière ce vaillant capitaine s’appelle William Shatner. Et dans le cas qui nous occupe, William Shatner n’est pas le nom choisi par un groupe vouant un quelconque culte (voire un culte quelconque) à l’acteur en question. Non, il s’agit bel et bien de William Shatner, le capitaine Kirk (ou Hooker, tout dépend de la culture télévisuelle de chacun), s’essayant à la chanson.

Vous serez normalement surpris d’apprendre que l’homme n’en est pas à son coup d’essai. Cependant, son fait d’armes le plus marquant est à ce jour une reprise tellement médiocre de "Lucy in the Sky with Diamonds" qu’elle a été votée ‘Worst Beatles cover of all time’. Pourtant cette fois, l’homme a réussi à s’entourer d’une jolie petite équipe de collaborateurs, à commencer par un producteur assez inattendu en la personne de Ben Folds (qui pousse également la chansonnette sur un morceau). Vous ajoutez à cela la délicieuse Aimee Mann, l’énervé Henry Rollins et les toujours zen Lemon Jelly et cela nous fait un joli petit casting.

Passées les présentations, penchons-nous sur l’album à proprement parler. Celui-ci s’ouvre par une reprise plutôt réussie du tubesque et britpopesque ‘Common People’ de Pulp. Pas de grands changements en ce qui concerne la mélodie et les arrangements. Par contre, le ton adopté par Shatner (et Joe Jackson, l’autre has been qui l’accompagne sur cette chanson) donne une autre couleur au morceau. Finis les miaulements de Jarvis Cocker, place à l’invective. Pour le reste, l’album fait la place belle à une musique calme et discrète, généralement sombre, sur laquelle vient se poser la voix d’un Shatner qui fait tout son possible pour se la jouer crooner. Evidemment, il n’a pas la classe d’un Frank Sinatra ou d’un Dean Martin, mais sur certain morceaux, notre homme est capable de faire mouche. Mieux encore, lorsqu’à ces qualités vocales –certes limitées- viennent s’ajouter le travail de ce joaillier de la pop qu’est Ben Folds et des textes bourrés d’un réalisme noir ("You’ll Have Time"), l’écoute en devient presque jouissive. A l’opposé, ce même second degré, s’il est mal exploité, peut se révéler carrément indigeste (sur "Ideal Woman" et surtout sur "Has Been"). Néanmoins, on décèle plus de hauts que de bas sur cet album de bonne facture.

En intitulant son disque Has Been, William Shatner a clairement voulu montrer à son public potentiel qu’il valait mieux s’armer d’une bonne dose de second degré pour apprécier à sa juste valeur cet album. Et effectivement, s’il est écouté dans l’état d’esprit adapté, celui-ci se révèle particulièrement agréable.