Guilty of Everything

Nothing

Relapse Records – 2014
par Michael, le 26 avril 2014
7

Deux accords typiques, une voix éthérée sous-mixée planant sur un doux nuage de reverb; jusque-là on est en terrain shoegaze connu. Difficile jusque-là d’imaginer que Nothing est né des cendres de Horror Show, pur concentré de punk hardcore. Est-ce les aléas d’une vie marquée par la drogue, la violence et la prison qui auront conduit Dominic Palermo à cette évolution assez surprenante ? Sans doute, mais quand on voit l’émergence depuis quatre ou cinq ans de groupes tels que Whirr, Deafheaven (auteur d’un des albums ayant fait couler le plus d’encre l’an dernier) ou Marriages et quand on sait que tout ce petit monde se connaît et se côtoie (Whirr a sorti un split EP avec Nothing, Nick Bassett, ancien de Deafheaven joue dans Whirr, Marriages a tourné avec Deafheaven…), ça en devient plus compréhensible. Une autre évolution assez représentative de toute cette scène venant du metal ou des musiques de tendance post-metal et s’orientant vers le shoegaze, est celle de Neige, notre francophone de service qui, échappé de Peste Noire, a fondé Alcest, dont l’orientation est désormais totalement expurgée de quelconques réminiscences metal (un des albums ayant fait couler le plus d’encre cette année).

Maus revenons-en à « Hymn to the Pillory », le titre qui ouvre Guilty of Everything: après une entrée en matière sobre et dépouillée et passées quelques minutes surgissent tout de même de lourdes guitares qui, tout en ne rognant pas le parti pris résolument mélodique, sont bien chargées en plomb. On pense immédiatement à Jesu, avec la particularité d’une orchestration plus organique (peu voire pas d’électronique ou de claviers ici, on est dans une formation classique à deux guitares, basse, batterie) et le choix de tempos plus soutenus. Ainsi si "originalité" il y a, c’est surtout cette nouvelle tendance à marier des riffs et des sonorités metal ou post-hardcore avec des éléments plus proches du shoegaze originel qui nous intéressera ici. Tout comme une ambiance générale plus volontairement sombre que mélancolique, où l’on devine que Palermo a sans doute plus écouté les premiers Swervedriver et Catherine Wheel, et bien sûr Jesu (voire l’injustement sous-estimé album éponyme des Deftones) dans sa cellule que les My Bloody Valentine, Slowdive ou Adorable.

Une approche résumée dans l’implacable single « Dig », parfaite illustration de ce mariage des opposés, entre efficacité et douceur mélodique. Difficile de dire si ce courant perdurera longtemps, mais il est certain que d'autres œufs vont continuer à éclore à moyen terme. En ce qui concerne Nothing, on ne sait pas si Palermo a trouvé à travers cette musique la voie de la rédemption et de l’apaisement, mais en ce qui nous concerne, on ne serait pas contre une récidive musicale du même acabit.