For Times When Ears Are Sore

Yuko

Collectif Debonair – 2008
par Jeff, le 29 janvier 2009
8

On vous l'a déjà dit à de nombreuses reprises, mais on vous le répète une fois de plus: le rock belge ne se limite pas aux Girls in Hawaii, à Hollywood Porn Stars ou à Ghinzu – aussi sympathiques ces groupes puissent-ils être. Et partout dans le pays, et principalement en Flandre, des formations ne ménagent pas leurs efforts pour nous proposer une musique qui s'éloigne des sonorités pop-rock pré-mâchées que certains labels ont tendance à nous fourguer à longueur d'année et dont les radios semblent si friandes.

Ainsi, après les excellents surprises qu'ont constitué les albums des Dead Souls ou de Transit ces derniers mois, voilà que débarque sans crier gare Yuko, groupe partagé entre Bruxelles et Gand et qui devrait s'attirer sans trop de problèmes les faveurs de nos lecteurs férus de ce genre au nom un tantinet barbare, le folktronica. Pour rappel, il y a encore quelques années de cela, un véritable gouffre séparait le monde des folkeux barbus qui pleuraient un amour perdu de celui de ces geeks mordus du laptop au teint blafard. Les choses étaient claires et personne ne s'en plaignait, chaque camp protégeant son petit pré carré avec beaucoup d'attention. Mais avec le temps, les frontières qui séparaient ces univers bien cloisonnés se sont progressivement effritées, et des groupes comme Efterklang ne se sont pas gênés pour parachever le travail de sape entamé par des précurseurs du genre que sont Momus ou Mùm. Encore marginal il y a quelques années, le genre a progressivement acquis ses lettres de noblesse, et aujourd'hui des groupes comme Tunng ou Department of Eagles témoignent de la vitalité et de la créativité du mouvement.

C'est également dans cette catégorie, souvent considérée – à tort – comme quelque peu élitiste, que les Belges de Yuko tentent donc de se faire une petite place au soleil. Pour ce faire, ils ne révolutionnent pas le genre, mais préfèrent marcher prudemment dans les traces laissées par leurs illustres prédécesseurs. On retrouve donc sur For Times When Ears Are Sore ces mélodies graciles et ces ambiances vaporeuses si chères au genre. D'un bout à l'autre du disque, le dépaysement est total: chaque morceau développe une ambiance qui lui est propre, souvent aérienne ou champêtre, parfois étouffante. Par ailleurs, le groupe manie une large palette d'émotions qu'il module au gré des bleeps, des nappes, des chœurs aériens, des arpèges délicats ou des murs de guitares – lorgnant de ce fait vers le post-rock éthéré à la Sigur Rós à plusieurs reprises.

A l'évidence, For Times When Ears Are Sore a tout pour plaire. Rien n'y est laissé au hasard et le groupe n'en fait jamais des tonnes, affichant ainsi le genre de maîtrise artistique dont peu de groupes peuvent se targuer à un stade aussi précoce de leur carrière – Yuko n'en est en effet qu'à son premier effort. Il ne lui reste plus qu'à trouver son public, plutôt réceptif au genre ces derniers temps.