Fabriclive 67

Ben UFO

Fabric – 2013
par Jeff, le 21 février 2013
8

On a souvent tendance à penser que la série des Fabric est avant toute chose une affaire de producteurs. Car c’est une évidence : les artistes que choisit le club londonien pour donner un peu de piment à une série qui manque parfois un peu de souffle sont souvent des producteurs à l’efficacité redoutable avant d'être des DJ's hors-pair. Couvrant un très large spectre qui va de Ricardo Villalobos à Marcus Intalex en passant par Shackleton, Four Tet ou Metro Area, les compilations sont souvent le lieu de rendez-vous des personnalités fortes du milieu électronique.

Et Ben UFO fait incontestablement partie de cette catégorie. Lui qui, avec ses potes Ramadanman et Pangaea, a fondé en 1997 l’indispensable structure Hessle Audio, et par laquelle sont passés le temps d’un EP pas mal de pontes de la bass music apôtres d’un son hybride et en perpétuelle évolution. On ne citera que Blawan, Untold ou Cosmin TRG pour confirmer ces dires.

Mais ce qu’il y a d’assez étonnant dans la carrière d’un mec comme Ben UFO, c’est qu’il s’est fait une réputation en béton armé sur la base de ses seuls DJ sets, l’Anglais n’ayant pas la moindre sortie ou le moindre remix à son actif. Et alors qu’on a souvent tendance à penser que le DJ n’est qu’un demi-artiste, Ben Thomson s’impose comme l’exception qui confirme la règle. En même temps, il suffit d’écouter sa sélection pour une autre série prestigieuse (les compilations Rinse) ou le présent Fabriclive 67 pour comprendre que le mec pourrait continuer à se concentrer sur sa seule activité d’ambianceur pour petits clubs sombres qu’on n’aurait strictement rien à y redire.

Parce qu’une seule écoute de ce mix suffit pour comprendre que derrière cette sélection, il n’y a pas une volonté d’aller piocher dans les charts Beatport de ces derniers mois, en agrémentant le tout de l’une ou l’autre obscure vieillerie et d’un white label qui mettra ton Shazam dans la merde. Non, ce Fabriclive 67 doit être considéré comme une manifeste, la vision singulière d’un jeune type qui a des idées bien arrêtées sur ce qu’est un produit de qualité. D’ailleurs, il suffit de jeter un œil au labels de prédilection de Ben UFO pour réaliser qu’il est un peu un Jean-Pierre Coffe des platines : Eglo, Hemlock, Hinge Finger, 50WEAPONS, Night Slugs, Non Plus ou bien sûr Hessle Audio. Tu veux du produit du terroir ? Tu vas être servi.

On aimerait dire que ce mix est à mi-chemin entre Londres et Berlin, mais ça voudrait dire que ce Fabriclive 67 est en plein sur Düsseldorf et c’est complètement faux. Mais vous voyez où on veut en venir. Ce disque reflète évidemment les dernières mutations d’une bass music qui se tourne de plus en plus vers la techno (notamment dans un final anxiogène au possible), mais il intègre cela dans un flux musical luxuriant en forme d’état des lieux du genre, d’un dynamisme fou et d’une cohérence qu’on n’aurait peut-être pas imaginée à la lecture d’un tracklisting qui ratisse large.

Ce 67ème volume de la série, c’est surtout un mix très solide et qui pourra sans trop de problèmes s’inscrire dans la durée. Ce qui n’est pourtant que rarement le cas avec les Fabriclive, plutôt orientés club – là où les albums estampillés Fabric, plus rigoristes, résistent mieux aux affres du temps. En même temps, que Ben UFO s'amuse à bousculer un peu l'ordre établi de la série, c’est tout à fait logique venant d’un mec qui a fait de sa versatilité une force ici exposée avec une rare efficacité.