Exile to Beyn Neharot

Wyatt E.

Shalosh Cult – 2017
par Albin, le 19 septembre 2017
7

Pour son deuxième album, le trio liégeois Wyatt E. n’a pas fait dans le détail : une belle sortie vinyle, 2 faces, 2 morceaux et un décompte final qui caresse la barre des 40 minutes. Revendiquant l’étiquette de « doom oriental », cette joyeuse bande composée de membres de The K, Leaf House et des défunts Deuil, a à un moment entretenu la confusion sur ses origines. Jérusalem ? Vraiment ? En soulignant de la sorte son ancrage au carrefour d’influences musicales et spirituelles multiples, Wyatt E. ne pensait pas si bien faire. Un premier album sorti en 2015 et largement encensé au-delà de nos frontières parachevait une réputation amplement méritée qui leur vaut aujourd’hui de sortir ce Exile to Beyn Neharot chez Shalosh Cult, label germano-israëlien dédié aux musiques les plus sombres de la planète. L’album est par ailleurs présenté comme le deuxième volet d’une série de six disques. Autant viser loin…

Par rapport à l’album précédent, le format reste sensiblement inchangé. Il se décline en deux parpaings de 19 minutes chacun, d’un doom lent et sinueux, calé sur la rythmique processionnaire de rigueur sur ce genre de production. Néanmoins, Wyatt E a pu mettre à profit les deux années qui séparent ces sorties pour peaufiner son propos, travailler le son et enrichir ses compositions. Moins rêche que Mont Sinai/Aswan, Exile to Beyn Neharot s’ouvre sur de nouveaux territoires et se libère des contraintes d’un genre hyper codifié.

La première face annonce la couleur : les notes orientales se manifestent rapidement. Elles se greffent sur une ligne de basse rampante et bâtissent petit à petit un édifice qui s’achève en mur de guitares. Détail croustillant : le riff de guitare qui tue, ce bloc de béton armé tant attendu sur ce genre de disque, n’entre en scène qu’à partir de la 17e minute, preuve que Wyatt E ne s’est pas contenté d’empiler les plans piqués à Black Sabbath comme c’est trop souvent le cas sur la scène doom.

Mieux : sur la seconde face, le groupe ose installer sa mélodie autour d’un synthé qui va longtemps indiquer à lui seul la marche à suivre. Ici aussi, la lourdeur se révèle seconde par seconde et se permet l’économie des saturations ronflantes sur au moins toute la première moitié du morceau. Les dialogues basse-synthé sont accueillis comme une bouffée d’oxygène sur un parcours accidenté, fait de plongées abyssales et de remontées vitales à la surface. Comme sur la première face, le morceau refuse de sombrer trop facilement dans un déluge de riffs de guitare farcis au plomb.

Avec ce deuxième album, Wyatt E a franchi un pas de géant. Le côté foncièrement hermétique du premier disque cède la place à des ambiances tout aussi lourdes, mais bien plus variées. L’impression qui s’en dégage est celle d’une plus grande accessibilité, d’un son à la fois plus dense et plus ouvert. Le groupe n’a pour autant rien abandonné de son identité. Au contraire : il l’affirme, la consolide et s’ouvre les voies d’une audience plus large qui devrait sans souci rassembler les fans de Om, Oiseaux-Tempête ou Zombi. Une montée en grade qui devrait valoir à Wyatt E une place de choix sur l’affiche des futures grand-messes doom et psychédéliques.