Exai

Autechre

Warp – 2013
par Simon, le 3 avril 2013
8

A intervalles réguliers revient la lourde tâche de parler d'un nouveau Autechre. Mission qui a toujours relevé de la gageure quand on connaît l’importance qui est accordée ici au temps, à l’expérience et à la maturation. Deux cerveaux comme ceux de Sean Booth et Rob Brown travaillant de concert ne pourront jamais être totalement intégrés par un chroniqueur ou son papier. Ajoutez à cela l’impermanence des idées et l’incertitude avec laquelle Autechre compose plus ou moins dans la continuité de ses précédents travaux et vous obtenez un joli casse-tête. Casse-tête pour celui qui cherchera à tout englober, à jouer les pigeons savants ou devins. On entend ci et là que Exai aurait pu être considéré comme la synthèse parfaite de leurs travaux s’il avait été plus court, qu’il est axé LP5 pour telles raisons, plutôt Oversteps pour d’autres. Désolé pour vous, mais cette chronique ne vous donnera pas de réponse claire.*

Ce double-disque est une affaire de sens. De mindfucking pour être exact. Pas tellement au niveau de la musique (ce disque étant probablement l’un des plus simples à appréhender, si on exclut les EP’s) mais précisément pour la perception qu’on se fait de la musique d’Autechre. Car Exai vient soulever un point peu discuté, souvent écarté: le duo peut tout se permettre, jusqu’à demeurer un très grand groupe, sans avoir aucun besoin pour cela de toucher son auditeur. Autechre a toujours été un groupe à forte vocation graphique, pourtant il ne fait aucun doute que l’émotion n’est plus une caractéristique fondamentale de la musique des deux Anglais. Là aussi, les choses ne sont pas aussi simples.

Sans refaire ici des débats de forums, on peut considérer que la toute-puissance de la forme débute réellement avec Draft 7.30 (on laisse volontairement de côté le Gantz Graf EP). Ce disque, son affirmation du hip-hop – qu’on retrouve partout dans Exai - marque le point de départ d’une production hautement carrée, taillée dans le marbre au burin. Le son Autechre devient moins architectural sur la longueur (si on exclut le sublime « Surripere »), plus axé sur la sculpture courte et percussive. Arrive alors, au-delà du simple savoir technologique, les premiers moments de démonstration. Le son devient outil de vision pour mieux incruster les images. Sauf que derrière, la vision des cathédrales s’effrite: on ne peut pas toujours gagner partout. Ce nouveau cycle trouve son chef-d’œuvre dans Untilted, moment où la radicalisation de la dynamique ultra-digitale prend un nouveau tournant.

Ce tournant dans l’absolue nécessité de déballer sa technique c’est celui d’Exai. Ou plutôt la continuité dans laquelle il s’inscrit puisque Oversteps et Move Of Ten (qui apparaît avec le temps comme le plus faible des disques du duo) ont déjà bien cassé nos certitudes à propos des balises que nous connaissions jusque-là. C’est ici le temps de la performance, du spectaculaire, de la mise à niveau permanente. Il y a des choses magnifiques dans ce Exai, qui côtoient des choses plus banales, même si on s’émerveille toujours devant autant de sculpture, de hip-hop rampant, de génialité dans la structuration. Une sorte d’impérialisme de la forme, qui transcende sa finitude dans un nouveau fond à appréhender. Une mystique qui percute les corps, entraînant, parfois par défaut, la tête dans son élan. Un disque de patrons – mais qui aurait parié sur une vraie bouse? - qui ne nous en dit pas plus sur les intentions d’Autechre. Pour autant qu’il y ait intention véritable. Pour autant que ces lignes ne soit pas un de ces nouveau ramassis de merde prétentieuse comme on peut en lire partout ailleurs.

* même si, comme on est des connards convaincus, on peut vous dire que ce Exai est clairement dans la lignée de Draft 7.30.