E.Vax

E.Vax

Perfect Branch – 2021
par Nico P, le 8 octobre 2021
3

Le 21 octobre 2003 arrive dans les bacs Room On Fire, deuxième album immensément attendu des Strokes. Le premier single, celui envoyé en éclaireur, s’appelle “12:51”. Et celui qui leur ouvrira les portes des iPods du grand public, ce sera “The End Has No End”, bénéficiant en plus du sticker “Vu à la TV”. Le point commun entre ces deux titres ? Le son trouvé par Nick Valensi. Ces notes de guitares qui sonnent comme un synthétiseur. Immédiatement culte, encensé à l’époque.

Pendant ce temps, dans un appartement un peu pourri, à New York toujours, deux petits mecs commencent à bidouiller des sons. Ils n’ont sous la main qu’un ordinateur au moins aussi entamé que les murs de la cuisine, mais peu importe, ils ont des idées. Parmi lesquelles, sans doute, celle-ci: récupérer ce son, et en faire celui de leur groupe. Ratatat est né de cette volonté de tout mélanger, d’entendre des claviers dans la basse, des guitares dans les beats (passés à l’envers). Et de remettre l’instrument au centre des débats. Faire de la pop, livrer les mélodies en temps et en heure, mais sans jamais prendre le micro.

En 2004 sort Ratatat, premier album éponyme. En 2015, Magnifique, cinquième album. Entre les deux, des chansons toutes un peu similaires, et toutes un peu géniales. Ratatat, c’est comme la filmo de Hugh Grant: à quelques exceptions près, on sait d’avance où on met les pieds. Quelques notes, et parfois de grands disques. Et une curiosité. “Nous sommes clairement une anomalie, un bug dans le système. Je ne connais pas d’autres groupes instrumentaux qui font de la pop. Explosions In The Sky, c’est un peu chiant non ? Ils font des trucs cinématographiques, bien loin de notre univers”. Allier succès public, critique, collaborations de luxe (Kid Cudi sur son single “The Pursuit Of Happiness”, Björk qui leur réclame un remix d’une de ses chansons), rester au sommet de la chaîne du cool sans réellement se montrer et sans grands refrains pour les radios, tout cela relève de l’exploit. Une explication ? “Nos chansons sont peut-être bonnes, tout simplement”. Elles l’étaient.

Peut-être faut-il se rendre à l’évidence et accepter le fait que Ratatat, en 2021, n’est plus. Le dernier album du duo date déjà de 2015, et la tournée achevée, chacun est parti bidouiller dans son coin. Cela donne, en cette rentrée, deux disques on ne peut plus différents. Mike Stroud est parti faire du Ratatat avec Kunzite, délivrant les mêmes sons électriques stridents, cette fois-ci accompagné de mélodies pop plutôt brillantes. Un pas en avant vers les masses, comme une évidence pour qui connaît par cœur chaque riff du groupe. Evan Mast, lui, a opté pour le chemin inverse. Son deuxième album solo (pas moins de 21 ans après son premier, Parking Lot Music), sous le nom de E.Vax est un disque d’ambiance, collection de ce qui ne s’apparente qu’à des chutes de studio, tentatives avortées ici compilées sans logique, sans entrain. Il n’y a guère ici qu’un “Manila”, rythmique entêtante et désarticulée, pour surnager au milieu de ce tunnel de divagations, créations inachevées, bande sonore chaotique d’un message d’attente interminable.

Pour le dire plus clairement : nous ne comprenons pas. Que signifie ceci ? Evan, pas manchot pourtant, ni sur scène, ni en studio, tourne à vide. La production de ce projet a commencé dans son studio à Brooklyn. Finalement, il s’est enfermé dans la galerie d’art d’un ami dans le Montana pour terminer son album. La faute à la pandémie, encore une fois. Mais dès lors, il avait trouvé son fil conducteur : capturer l’instant présent. Voir venir. Laisser tourner les bandes. Et attendre, encore un peu plus, en grattant ici et là quelques accords bienvenus. Un concept donc, une histoire, plus qu’un album. Un contenant prioritaire sur le contenu. Un ennui mortel, surtout.