Eonian

Dimmu Borgir

Nuclear Blast Records – 2018
par Alex, le 6 juin 2018
5

Huit ans sans nouvelle, c’est long. Bien sur, les nombreuses rééditions et DVD’s live balancés depuis par Nuclear Blast Records permettent de combler l’attente mais quand on s’appelle Dimmu Borgir, que l’on compte 25 années d’expérience au compteur, une base de fans plutôt solide et fidèle dans le monde entier ainsi qu’un statut de figure mythique du mouvement black metal nordique, l’attente d’un nouveau disque reste conséquente. Huit hivers écoulés, depuis ce Abrahadabra pas franchement convaincant mais dans lequel tout n’était pas non plus à jeter, qui ont permis aux deux derniers membres fondateurs, Shagrath et Silenoz, toujours accompagnés de Galder, de se remettre à l’écriture. Annoncé dans un premier temps pour 2014, voici donc Eonian, dixième album de la formation norvégienne.

Que ce soit au niveau de son passé plutôt tumultueux, des nombreux changements de line-up ou de la sérieuse défiance exprimée à son égard par les puristes, Dimmu Borgir est le genre de groupe à n’avoir jamais vraiment regardé dans le rétroviseur. L’on peut raisonnablement estimer que les belles années du groupe sont passées et qu’après les chefs-d’œuvre que sont Enthrone Darkness Triumphant (sorti en 1997 tout de même) et Puritanical Euphoric Misanthropia (2001), pas grand chose de forcément intéressant n’est venu enrichir leur discographie. Malgré cela, Shagrath et sa bande maintiennent le cap et prétendent régulièrement en interview ne jamais vouloir faire ressasser le passé, en atteste cette rupture opérée avec le tout de même très bon Death Cult Armaggedon (2003) vers un black metal bien plus mélodique et symphonique, relativement éloigné des sonorités 80’s et 90’s.

Au niveau de l’évolution musicale prise par les nordiques, Eonian semble à nouveau suivre le chemin emprunté par son prédécesseur. Autant oublier tout de suite un retour aux sources car sur ces 10 nouveaux morceaux, les norvégiens jouent à fond la carte du symphonique en parsemant le tout d’éléments propres au black metal plus traditionnel. « The Unveiling » ouvre la messe avec ses accents indus, accompagnés de couplets chantés et de notes de piano très marquées avant que le single « Interdimensional Summit » et son très efficace refrain ne prennent le relais. On est déjà bien loin des débuts du groupe, comme aspiré dans un opéra épique, et alors que les titres défilent, difficile de ne pas rapidement remarquer que les vocaux de Shagrath manquent de puissance. Au niveau du mixage, son chant toujours aussi sinistre semble toutefois se cacher derrières les chœurs assurés par la Schola Cantorum, omniprésente sur quasiment tout l’album. Quelques bons riffs ou blast beats bien sentis pointent le bout de leur nez et le groupe ne renie pas totalement son identité black (« The Empyrean Phoenix », « Archaic Correspondence », « Alpha Aeon Omega ») mais l’on a définitivement affaire ici à quelque chose de trop léché, mélodique et majestueux pour vraiment continuer à comparer la musique de DB aux entités de type Mayhem, Darkthrone ou Bathory.

Peut-être qu’en décortiquant chaque couche de l’album, quelques moments sembleront vraiment plats (« Council Of Wolves and Snakes », « I Am Sovereign », « Rite Of Passage ») sans tous les artifices qui les entourent mais que l’on apprécie ou non Dimmu Borgir, le travail effectué sur Eonian semble tout de même considérable. Les orchestrations sont très impressionnantes et la production polie à l'excès vient souvent magnifier les compositions. Le souci avec ce disque, bien qu’assez riche et toujours aussi grandiloquent dans sa conception, réside finalement dans son manque d’agressivité. L’un des principaux défauts, déjà constaté sur Abrahadabra, ne semble ici pas être réglé puisque les guitares s’avèrent à nouveau être utilisées uniquement dans le but de servir les arrangements symphoniques, ce qui érode considérablement le côté malsain et diabolique du groupe. Le son est effectivement colossal mais joue bien trop souvent la surenchère d’effets et de synthés. Toute l’imagerie médiévale, les ambiances épiques et le côté pompeux des sonorités entrevues durant ces 55 minutes finissent en fait par donner la vilaine impression d’écouter une mauvaise BO d'heroic fantasy.

Pas aussi direct et belliqueux que ce à quoi le groupe a pu nous habituer dans le passé, on a surtout la mauvaise impression avec Eonian que les scandinaves se sont contentés d’écrire un demi-album avant de meubler le reste grâce à l’apport de l’orchestre et des chœurs. On se retrouve donc souvent face à des titres prenants, bien plus accessibles, mais qui semblent rapidement stéréotypés ou exubérants. Il suffit de réécouter les deux albums que sont Death Cult Armaggedon et In Sorte Diaboli (2007) pour se rendre compte que c’est peut-être là que les norvégiens avaient le mieux réussi à trouver l’équilibre entre leur passé et le son plus moderne et théâtral auxquels ils aspirent depuis une quinzaine d’année. Qu’importe, Dimmu Borgir n’a plus vraiment quoi que ce soit à prouver et continue de se faire plaisir en explorant, à son rythme, diverses facettes d’une musique toujours froide et solennelle. N’en déplaise aux amateurs de trve black metal qui ont certainement fait une croix sur le groupe depuis bien longtemps.