English Martyrs

Total Victory

Specific Recordings / Kerviniou Recordz – 2017
par Michael, le 28 juin 2017
7

Autant être honnête d'entrée de jeu: Total Victory m’était totalement inconnu il y a encore deux mois. C’est sur des conseils bien avisés que je me suis rendu à une date organisée par le Laboratoire dans des Pavillons Sauvages que j'ai rarement vu aussi remplis. Une soirée qui se sera révélée chaude, très chaude et surtout une grosse, très grosse claque pour l'amateur de rock urgent et de post-punk fiévreux qui sommeille en moi.

On en sera cependant ressortis avec une relative incrédulité. Comment un groupe aussi bon, aussi puissant, aussi cathartique, armé de si bons titres et d’un son si parfait se retrouve après dix ans d'activité, 4 albums, et plusieurs EP avec 1430 pauvres likes sur Facebook et 8.425 vues sur la vidéo de "What the Body Wants, the Body Gets" , qui n'est rien d'autre qu'un hymne générationnel imparable ? Comment un groupe qui en remontrerait à 90 % des traîne-savates et poseurs de la constellation post-punk ne se retrouve pas à l’affiche de grands festivals cet été ? En une des sites les mieux informés et signé sur un label ayant pignon sur rue ? Et bien on ne se l’explique tout simplement pas - en même temps c'est loin d'être la première fois qu'on est confrontés à ce genre de situation ubuesqe. On ne réparera sans doute rien avec ce maigre papier, mais s'il peut au moins vous permettre de ne serait-ce que jeter une moitié d’oreille à National Service ou vs. Big Electric, ce sera déjà beaucoup.

Mais revenons-en plus précisément à ce qui fait tout le charme de Total Victory: le quintet de Manchester a visiblement très bien digéré tout The Fall et l'histoire musicale mancunienne des dernières décennies, et synthétise tout cela non pas dans une version lyophilisée, mais dans une relecture qui, si elle n'a rien de révolutionnaire, n'en garde pas moins toute sa fraîcheur. Point d'esbroufe ici, tout se gagne à la force du poignet et des litres de sueurs déversés. Et autant vous dire que des salles entières retournées de la sorte, moi personnellement, je n'en ai pas vu beaucoup. Dès le premier morceau la messe était dite.

Alors il pourrait être frustrant de découvrir un groupe de cette trempe avec English Martyrs qui est sans doute leur album le moins prenant et le moins viscéral, de trouver la production peut-être un poil étriquée et en deça de ce qu'elle pourrait être au vu de la puissance sonore déroulée en live, mais non. Non car là derrière il reste de formidables morceaux comme "Playing Golf With The Precariat", "Gore Seer" ou "Once In Every Century"; en outre, la production ne peut totalement affecter des titres de ce calibre. Des titres dans lesquels on ressent toute cette rage, cette violence et ce romantisme urbain de début de siècle. Une musique dans laquelle chaque stridence, chaque hurlement, chaque coup n'est pas porté pour épater la galerie, mais juste pour trouver le chemin le plus direct vers le plexus et le petit muscle qu'il abrite.

Vous l'aurez compris: si le groupe joue dans un rayon de 1000 kilomètres autour de chez vous, ne vous posez pas de questions, foncez-y tête baissée et laissez-y toutes vos économies s'il le faut, vous en ressortirez aussi sonnés que nous. Victoire totale, donc.