Dust

I Love You But I've Chosen Darkness

Monopsone – 2014
par Michael, le 1 décembre 2014
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« Ça fait quoi, huit ans qu’on ne s’est pas vus ? Oui c’est ça, huit ans. Quand on s’est rencontrés tu avais une croix dans le cœur, et j’avais bien  compris que ça n’allait pas trop. Mais cette froide mélancolie t’allait si bien. Je me rappelle à l’époque tu disais : “In a perfect world, where perfect place is with you, the truth is, the world is without love.” Ce sont des mots qui font chaud au cœur malgré tout le désespoir qu’ils portent en eux. C’est vrai, le monde peut être parfois une belle pute, mais ces moments avec toi font partie de ces petites choses qui le rendent supportable. Je me suis épris de toi, et je crois que je n’étais pas le seul. C’était un secret que tu partageais dans l’ombre avec d’autres que moi. J’avais l’impression d’appartenir à une élite, et de par ton romantisme des glaces, tu nous as conquis, moi et ces autres, sans trop que je comprenne ni pourquoi, ni comment.

Quand j’ai su que tu revenais, j’ai eu un peu peur, je dois l’avouer. Je ne savais pas quoi en penser. Un sentiment d’incrédulité mêlé à la crainte d’une énorme déception. Je ne m’attendais plus à rien de toi. Tu es parti aussi vite que tu étais arrivé, et sans laisser de traces ni le moindre signe pouvant laisser espérer un quelconque retour. J’ai mis longtemps à faire mon deuil, mais je crois que tu sais ce que c’est. La vie étant ce qu’elle est, elle s’est chargée de nous trouver des occupations et de nous détourner l’un de l’autre. D’autres ont pris ta place. Je les ai laissé faire. On a tous besoin de combler certains vides. Enfin c’est que je me suis dit.

Et finalement en me promenant dans le fort de Saint-Père à Saint-Malo l’été dernier, on m’a dit que tu revenais. Sur le moment je n’y ai pas cru. Je n’ai pas voulu y croire. C’était improbable. Comme croiser un fantôme. Et pourtant, tout cela était bien réel et j’ai reçu des nouvelles de toi assez rapidement. J’étais fou. Et je t’ai tout pardonné, dès que je t’ai réentendu : le fait que tu n’aies donné aucune nouvelle pendant toutes ces années, le fait que tu m’aies abandonné comme un malpropre alors que je te t’avais tant donné, consacré tant de temps à t’écouter. Toi aussi, me diras-tu, tu m’as tant donné, et tu as raison. Mais tu sais comme l’amour rend exigeant.

Tu as repris ta place aussi naturellement que si tu étais parti hier. Tu ne peux pas savoir à quel point c’est rassurant. Etourdissant mais rassurant. C’est comme revenir sur un lieu d’enfance chargé de souvenirs et se rendre compte que tout est resté tel quel, que rien n’a bougé. D’ailleurs ce qui m’a frappé lorsque le moment fatidique et tant redouté est arrivé, c’est à quel point u n’as pas changé, ou si peu. Rien de visible au premier abord, des petits détails que seul qui te connait bien pourrait déceler. D’infimes petites choses dans les inflexions de ta voix, plus de profondeur aussi. De discrets changements qui en disent toutefois long sur le chemin que tu as dû parcourir et les épreuves que tu as dû endurer. Pourtant l’essentiel est là. Il faut croire que le temps n’a pas de prise sur certains cœurs et je suis content de savoir que l’on peut compter le tien parmi ceux-là.

Alors si jamais tu décides de repartir à nouveau pour longtemps et m’abandonner encore avec un autre vide béant, surtout ne change rien. Tu sais que je t’aime tel que tu es, même si tu as choisi les ténèbres. Le noir te va si bien. »