Dust Damages

THEE MAXIMATORS

Black Totem Records – 2018
par Pierre, le 12 juin 2018
7

Au moment où le soleil pointe enfin le bout de son nez et avec lui l’envie de se faire griller la bedaine, se réveillent généralement par la même occasion tes quelques hépatocytes encore fonctionnels dont la longue complainte se traduit invariablement par une unique obsession: l’alcool. Plusieurs options s’offrent alors à ton organisme pour accéder aux paradis artificiels si longtemps désirés. Autant vous dire que pour nous, tristes sires dévastés par leurs vices alcoolo-tabagiques et pataugeant en pleine indigence, le choix se porte rapidement sur la panacée de tout clochard qui se respecte: l’Amsterdam Maximator

Et n’importe qui ayant déjà trempé ses lèvres dans une canette de ce délicieux breuvage connait la sensation paradoxale procurée par les dernières gouttes du divin nectar. Car une fois la totalité du gaz évaporée le temps de la descente, une fois la canette longuement réchauffée par la moiteur de ta paume, cette dernière gorgée se résume à une subtile alchimie entre plaisir et malaise, une savante équation entre ivresse et profond dégoût. Un calcul ésotérique qu’ont su reproduire à merveille les nouveaux Cédric Villani du garage francophone sur leur dernier album, les bien-nommés THEE MAXIMATORS

Car de ce Dust Damages se dégage un plaisir indéniable certes, mais sans cesse nuancé par une singulière sensation d’incommodité et d’oppression. Un climat quasi-dictatorial donc, un monde orwellien au sein duquel l’auditeur masochiste se retrouve continuellement flagellé par un chanteur qui éructe souvent plus qu’il ne chante, une guitare malfaisante davantage nourrie à l’essence de tronçonneuse qu’au foutre de Teletubbies, et une section rythmique martiale et coléreuse à t’en sectionner la cloison nasale. Et pourtant, de cet amalgame malveillant et franchement glauque surnage une saveur toute particulière relevant autant de l’auto-punition que de la plus profonde griserie.

Une subtile mixture qui permet à Dust Damages d’être percutant et inquiétant, d’évoquer parfois un Slint boosté à la testostérone, mais surtout d’être un album hautement recommandable. Car c’est en effet lorsque l’orage s’abat sur des titres comme "Daily Lazy", "Emergency" ou "Silicon Nightmares" que THEE MAXIMATORS démontre toute la singularité et l’énergie de sa musique, d’autant que celle-ci bénéficie d’une production impeccable qui lui confère un aspect monolithique et franchement imposant malgré la courte demi-heure d’écoute. Qu’importe le flacon pourvu qu’on soit torché donc. Et tant pis pour la gueule de bois.