Domino

Dan San

JauneOrange – 2012
par Jeff, le 20 mars 2012
6

En Belgique, et plus souvent encore en Wallonie, un groupe est toujours le mandaï de quelqu’un d’autre. Toujours la version wallonne d’un truc forcément beaucoup mieux et souvent inattaquable d’un point de vue critique. Austin Lace? Les Beach Boys wallons! Girls in Hawaii? Les Grandaddy bien de chez nous! The Experimental Tropic Blues Band? Le Jon Spencer Blues Explosion qui sent bon la Jupiler! Evidemment, les Liégeois de Dan San n’échappent pas à ce processus très utile pour quelques gratte-papiers à qui on a demandé une chronique dans les plus brefs délais. Ces mecs font du folk et aiment bien les harmonies vocales? Mais c’est bien sûr, Dan San seront les « cousins belges de Fleet Foxes », pour citer les vénérables Inrocks...

S’il est vrai que les ressemblances avec les barbus polyphonistes de Seattle semblent parfois évidentes, il n’y a évidemment rien de plus destructeur et débile que de limiter la musique d’un groupe à une prestigieuse filiation. D’autant plus que là où Fleet Foxes se donne clairement des airs de feu de camp pour hipsters lettrés, Dan San situe son propos ailleurs. Il y a dans la musique des Liégeois une mélancolie de tous les instants, un côté désabusé qui renvoie aux ballades pour marins avinés. Le genre de sinistrose que l’on peut parfois retrouver dans les compositions de Matt Elliott. Partant de là, Dan San tisse son folk de manière très précautionneuse. Trop même.

Car c’est là que réside tout le problème de Domino: à vouloir trop bien faire, Dan San en oublierait presque de jouer avec nos émotions, de nous toucher. Ainsi, malgré un charme indéniable, les treize titres de ce premier album résonnent comme une coquille imperméable, au coeur de laquelle se cacherait tout ce qui pourrait rendre ce disque touchant, émouvant, bouleversant. C’est dommage, car dès l’entame de l'album, on sent que Dan San tend à s’approcher d’une certaine forme de pureté folk, récitant ses gammes avec une minutie qui fait plaisir à écouter. Mais à trop chercher la perfection, Domino se mure dans une certaine forme d’hermétisme, de propreté presque clinique qui dessert les intentions pourtant si nobles des Liégeois.

Forcément, au regard du potentiel affiché par le groupe en live ou sur son très bon premier EP (Pillow), on a toutes les raisons d’être déçus par ces petits protégés de nos camarades de JauneOrange, en qui on croyait énormément. Aussi, pour cet album, on laissera la presse paresseuse se perdre en comparatifs faciles, et on attendra bien patiemment que Dan San devienne Dan San et nous ponde un album aussi sincère mais un peu moins poli et polissé.

Le goût des autres :
7 Denis