Dj-Kicks

Marcel Dettmann

K7! – 2016
par Simon, le 1 décembre 2016
8

On n’aura de cesse de le répéter : l’institution Dj-Kicks aura toujours ce statut de série à part pour sa capacité à penser la sélection mixée autrement. Loin des séries de compilations qui proposent des sélections club-friendly au kilomètre, parfois très substituables (Fabric, Balance, At The Controls,…), les Dj-Kicks ont toujours affiché cette volonté d’amener les auditeurs à découvrir leurs producteurs préférés autrement.

Voir les gens qu’on aime jouer en mode off, plus ou moins loin du club, c’est cette plus-value qui nous amène à revenir tâter le terrain de manière régulière. Un pari forcément malin quand on peut questionner, et ce depuis quelques années déjà, la véritable utilité des sélections mixées payantes à l’heure du streaming généralisé et de l’offre gratuite de qualité, partout et tout le temps.

Au-delà de cette introduction de rigueur (qu’on répète en boucle à chaque nouvelle compilation de la série), on a ressenti une véritable excitation à l’annonce d’un volet emmené par le très germanique Marcel Dettmann. L’occasion pas si fréquente de rentrer dans les coulisses de ce producteur autrefois « indé » qui a vécu assez tôt la starification des deejays, devenue depuis monnaie courante. Marcel Dettmann donc, une sorte de tank de guerre au moment d’en appeler à la techno étiquetée Berlin et Berghain. Marcel Dettmann, l'habitué des sets interminables qui donnent l’impression de se taper le tunnel sous la Manche quatre heures durant. Et puis Marcel Dettmann, le grand marronnier dès qu’il est question de causer de musiques électroniques et de clubbing sans trop toucher sa bille.

Exit donc la techno cliquée et les ambiances sourdes, le Père Dettmann choisit d’ouvrir la porte de son salon (vous allez voir, tout est relatif) pour jouer une sélection dont « la plupart des titres n’auraient pas trouvé leur place dans un mes sets ». On rassure les plus chiens fous d’entre vous, Dettmann ne fait pas ici dans le nu-jazz et sa déclaration montre surtout que l’homme marche plus droit qu’un chef de guerre quand il s'agit d’éclater un club au calibre 50. Non, cette sélection est pour ainsi dire thématique en ce qu’elle choisit ouvertement le camp de l’electro-funk et de la techno post-Drexciya pour arriver à ses fins.

Et c’est un régal à plusieurs niveaux. Premièrement, et c’est l’essentiel, cette scène sombre et mécanique a un pouvoir évocateur absolument immédiat. Un pouvoir des images presque sexuel, un romantisme à l’esprit de machine, d’industrie. On parle d’une époque où toutes les inspirations bouillonnent, où les ponts se font entre Berlin et Detroit, entre Kraftwerk, George Clinton et Afrika Bambaataa, où les cœurs découvrent une musique nouvelle à l’esprit de piston et à la réflexion cosmique. Les claviers de cette galaxie electro-funk sont fous, alternent minimalisme, gras et sécheresse pour un résultat atomique de groove.

Deuxièmement, parce que si on s’attendait sans problème à une sélection et à un jeu simple et solide, Tonton Marcel aligne des bombes de titres, toutes distinguées et distinguables. Du hip-hop très Bambaatesque de Clarence G (tiens donc, une moitié de Drexciya) aux frissons provoqués par les tueries que peuvent être les titres de Orlando Voorn, Dan Curtin, Sterac , N.A.D., Sanbenders, Rolando ou Mystic Bill (son « U Won’t C Me » est la plaque intemporelle de l’album), tout est ici d’une intelligence et d’un univers parallèles.

En fait, et en guise de conclusion, on se dit qu'on ne devrait même pas isoler le moindre titre de cette sélection tant tout forme, chapitre par chapitre, une grande et belle histoire. Une histoire qui nous rappelle que derrière les monstres de nerfs que peuvent être des Dettmann au quotidien se cachent des encyclopédies de la musique électronique. Qui ne manqueront jamais d’être respectées comme il se doit à l’écoute de pareilles démonstrations de style.

Le goût des autres :