Deaths

Sauna Youth

Upset The Rhythm – 2018
par Jeff, le 9 octobre 2018
8

A force de s’entendre dire à longueur d’année que le rock est mort et enterré, c’est qu’on finirait presque par y croire. Et s’il est vrai qu’une certaine manière d’envisager celui-ci a pris pas mal de plomb dans l’aile, on remarque qu’il n’est jamais bien compliqué de trouver des projets sur lesquels gloser en société. Mais à trop avoir cru que le rock allait sauver la planète de ses maux les plus indicibles, et à mesure que les hérauts britanniques et américains des années 90 et 2000 s’explosaient la gueule sur le mur de leurs propres certitudes, une voie royale s’est ouverte pour d’autres courants qui, et c’est bien normal, attendaient tapis dans l'ombre que la voie se dégage. L’histoire de la vie, le cycle éternel, toussa. Pourtant, à la marge des grandes tendances qui ont régi les musiques à guitares ces 30 dernières années, nombre de courants minoritaires ou moins visibles ont continuer d’avancer, forts d’une vitalité qui ne leur a jamais fait défaut. Et un groupe comme Sauna Youth, que l’on classera sans trop d’hésitation dans le rayon (post) punk, est une nième preuve de l’excellente santé d’un rock dont la présence sur les scènes principales des plus gros festivals du monde ne peut être considéré comme un bon indicateur de santé. Originaire de Londres, ce groupe qui a par le passé partagé l’affiche avec Pissed Jeans ou Protomartyr creuse son sillon en se contrefoutant royalement qu’on les compare à d’illustres aînés sans qui ils ne seraient rien - comme si on voulait ou pouvait réinventer la roue tous les trimestres. La froide métronomie des meilleurs disques de Wire et l’efficacité pop des meilleurs singles de Buzzcocks vissés au corps, le groupe ne regarde ni autour de, ni derrière lui. La ligne d’arrivée se situe droit devant, et Sauna Youth emprunte une ligne plus droite que droite. Enregistré en trois jours seulement, Deaths sent bon la poudre, est traversé d’un bout à l’autre par une rage larvée que le groupe laisse occasionnellement exploser pour un résultat qui ferait passer le « Husbands » de Savages pour une ballade folk, dégage une urgence terrifiante et procure un sentiment de joie ultime qui fait fondre les boyaux. Dernier chapitre d’une trilogie signée par un groupe dont l’activité musicale se fait en parallèle de full time jobs, Deaths est le genre de disque qui nous rappelle que la rigidité du rock n’est pas forcément cadavérique en 2018, mais se situe plutôt dans les slips de ceux qui ont encore envie d’y croire. Si le triomphe de Sauna Youth est modeste, il est également total. 

Le goût des autres :
7 Yann