Dark Bird Is Home

The Tallest Man On Earth

Dead Oceans – 2015
par Amaury L, le 31 mai 2015
5

Sorti trois ans après There's No Leaving Now, Dark Bird Is Home fait partie de ces albums qui fait du bien quand il s'arrête. Détail digne de mention pour un disque qui ne dépasse pas les trois quarts d'heure, tant l'écrasante majorité des titres gazouillent dans le vide. Un peu comme ces petits piafs gris effroyablement quelconques, qui ont pour seule mission de nous réveiller à 5h30 du mat' avec leur piaillement terne et strident. En entendant leurs vaines psalmodies, on regretterait presque le grossier merle qui les a précédé dans le même bouleau, nous gratifiant parfois d'envolées lyriques imparfaites et chancelantes, certes, mais teintées d'une insolence et d'une audace qui nous faisaient dresser l'oreille et suspendait le temps un instant.

C'est avec le même effarement qu'on se prend en pleine tronche l'inanité de la plupart des titres concoctés par Kristian Matsson sur ce nouvel album. Oubliées, les productions lo-fi de ses premiers morceaux; diluées, les perles intenses déclinées en litanies boisées, à la fois intimistes et fédératrices... Pire, les splendides ballades jouées en fingerpicking qui étaient sa carte de visite ne sont plus qu'au nombre de deux sur ce nouvel album ("Beginners" et "Singers", largement oubliables). Parfaitement intolérable lorsqu'on connaît les talents de guitariste du folkeux suédois, farouchement dylanologue à l'origine.

Pour ne pas se retrouver totalement à poil lors de la composition de ses nouvelles chansons, Matsson les pare de nappes de cordes, de volutes de synthé (bien que discrètes, ce n'est pas non plus Duran Duran, qu'on se rassure), de choeurs multipistés et de rythmiques convenues qu'on adore détester chez Mumford & Sons. Ce n'est pas que ce genre de formule me débecte d'habitude. Mais elle est particulièrement casse-gueule quand les mélodies et la créativité sont en berne, ce qui est bel et bien le cas avec ce Dark Bird Is Home. 

Il y a bien quelques fulgurances gentillettes, comme la très jolie ballade au piano "Little Nowhere Towns" et la vaguement entêtante "Timothy". Mais c'est à peu près tous les titres capables de nous rapprocher d'un micro-poil du Tallest Man On Earth qui labourait notre âme avec ses magnifiques "Love Is All", "The Drying of the Lawns" ou encore "Lion's Heart", purs éclairs de génie qui nous rappelaient au bon souvenir d'un Dylan période Freewheelin', l'expressivité vocale en plus. Et dire qu'on pensait tenir notre barde du 21siècle...

Le goût des autres :