Compass

Jamie Lidell

Warp – 2010
par Gwen, le 25 juin 2010
7

L’homme qui fut jadis la faucille du tortueux projet Super Collider (Cristian Vogel incarnant le marteau) affirme ses véritables intentions au fil des ans. A l’âge tendre, certains se voient défiler en tenue de pompier, les plus ambitieux, en celle d’astronaute. Le jeune Lidell revendiquait le costume d’Otis Redding. En toute modestie. Et ce bougre de rosbif de s’acharner jusqu’à devenir foutrement convaincant. Sous ses airs de nerd qui ne sait pas trop quoi faire de ses encombrantes guibolles, il a su imposer son Jim comme un vorace retour aux sources de la musique noire américaine. Mais alors que les ménagères de moins de cinquante ans succombent progressivement, les puristes se pincent toujours le nez à l’évocation de cette évolution trop pimpante… Parce que c’était mieux avant, quand Jamie était inconnu, imprévisible et parfois aussi abscons qu’une oeuvre de David Lynch. Autant prévenir ceux-là tout de suite, l’Anglais n’est visiblement pas prêt à changer de cap…

Compass est parfaitement funky. Compass est sincèrement soul. Compass alterne habilement roucoulades et déhanchements. Et les miraculeuses cordes vocales de Jamie? Elles vont plus que bien, merci. Et à part ça, quoi de neuf? Lidell aime se trouver des partenaires de jeu et pour son petit dernier, ceux-ci sont particulièrement nombreux à avoir posé leurs fesses dans le studio. En plus des complices de longue date, Feist et Gonzales, se sont greffés Chris Taylor (Grizzly Bear) ou encore Nikka Costa, recrutés parmi les membres du Record Club, les jams sessions de luxe initiées par Beck. Beck qui, en éternel tripoteur de boutons, lui a bien mis la corde au cou au Lidell. Pour le meilleur… et aussi pour le pas top. 

Manifestement, la paire fonctionne bras dessus bras dessous lorsque le premier vient frictionner les compositions du second avec son groove crapoteux et ses percussions bringuebalantes. Cela donne des morceaux juteux tels que "Your Sweet Boom", "Coma Chameleon" ou "The Ring" qui fait pom pom bien comme il faut. "Big Drift" révèle également un détour psychédélique assez inattendu.En revanche, lorsqu’il s’agit de tempérer les bouffées mielleuses du Jamie, il n’y a plus personne derrière le comptoir. C’est beau l’amour, Jamie, mais faudrait veiller à pas laisser une godasse dans la barbe-à-papa. Même si ta souplesse vocale parvient à nous préserver de bien des désastres, "She Needs Me" et "It’s A Kiss" plus jamais tu ne commettras.

Au final, entre l’excellent et les crissements de dents, on trouve un panel de bonne tenue (de l’hommage non-dissimulé aux Jackson 5, "Enough Is Enough", à la complainte désertique “Compass”) mais qui ne prend jamais complètement son envol. Si Lidell y dévoile une appréciable vulnérabilité, celle-ci apporte aussi de l’hésitation et de l’incohérence. Ce quatrième album peut dès lors être appréhendé comme un trait d’union vers une nouvelle étape. Une nouvelle étape où le talent des invités sera cette fois pleinement exploité et où Jamie aura pris le temps d'installer un itinéraire pour se déplacer du point A au point B.

Le goût des autres :
5 Laurent