Coconut

Archie Bronson Outfit

Domino – 2010
par Jeff, le 19 mars 2010
8

Y'a pas à dire, ce début d'année 2010 est riche en collaborations qui nous mettent grave l'eau à la bouche: après James Mercer (The Shins) et Brian Burton (alias Danger Mouse) sous la bannière Broken Bells et avant l'association Black Lips / King Khan & BBQ Show sous le nom des Almighty Defenders, c'est une autre alliance, très inattendue cette fois, qu'il nous faut juger. En effet, qui aurait pensé que les rockeurs barbus de Archie Bronson Outfit recruteraient leur compatriote Tim Goldsworthy, connu pour son travail au sein du team DFA – qu'il aurait quitté si l'on en croit les affirmations du boss actuel du label new-yorkais. L'union est d'autant plus troublante que si l'on connait certains producteurs pour leur capacité à s'effacer et apporter leur savoir-faire sans réorienter complètement un groupe, Tim Goldsworthy est plutôt du genre à imprimer sa griffe partout où il passe, et Dieu sait si il a déjà mis sa vision d'un son dodu  et dansant au service de quelques pointures.

Mais vous en conviendrez: il existe un véritable fossé entre la disco de Hercules & Love Affair ou l'électro-pop de Cut Copy, et le blues-rock crasseux que nous sert Archie Bronson Outfit depuis quelques années déjà – et qui nous envoyé à la gueule toute sa puissance en 2006 avec le vicieux et drogué Derdang Derdang. Alors forcément, voir des mecs adeptes d'une musique brute de décoffrage et complètement "roots" s'associer à un producteur surtout connu pour son sens inné du rythme a de quoi intriguer. D'autant que la pochette légèrement criarde de ce Coconut évoque d'avantage les délires en technicolor de kids dopés à la fidget house. Et que dire de "Magnetic Warrior", le morceau d'ouverture de ce troisième album qui, malgré son riff de guitare écrasant, son solo vicelard et son chant plein d'écho, laisse entrevoir un amour nouveau pour la section rythmique qui vous chatouille les hanches. Portée par des grooves sous acide et des guitares qui lorgnent très souvent vers le post-punk, la musique d'Archie Bronson Outfit se révèle en 2010 sous un nouveau jour, qui a de quoi désarçonner aux premiers abords, mais ne tarde pas à séduire – à titre d'exemple, citons les minimaliste "Hoola" et "Chunk" qui s'articulent autour d'un chouette beat rachitique.

Evidemment, ce n'est pas parce que le gourou Goldsworthy a investi les studios d'ABF que le groupe a soudainement viré sa cuti et oublié ses premières amours, un rock sombre et couillu. Ceci étant, que ceux qui s'attendent à un album dans le droit fil de Derdang Derdang ou Fur ne se fassent pas d'illusions: ABFe est certes encore capable de faire monter les amplis jusqu'à 11 ("Wild Strawberries", "You Have A Right To A Mountain Life / One Up On Yourself"), mais on sent que Tim Goldsworthy n'est jamais bien loin avec ses effets de manche dont l'efficacité ne peut être contestée; à un point tel qu'on en arrive à une musique hybride, à la croisée des chemins entre Jon Spencer, ESG et les Buzzcocks!

Si, il y a encore quelques mois, on nous avait dit que les trois gars d'Archie Bronson Outfit planifiaient d'enregistrer un album sous la houlette d'un mec surtout connu pour être le pote d'un certain James Murphy, que ce disque contiendrait des titres capables de foutre la honte à Gossip et qu'il y aurait même au beau milieu de ce bruyant foutoir une ballade apaisée et apaisante, l'hilarité aurait été de mise. Pourtant, avec Coconut, Archie Bronson Outfit relève un ambitieux pari: celui de se remettre en question et surtout, de procéder à ce changement de cap avec une classe folle et d'incroyables morceaux sous le bras. Si ça c'est pas la classe…

Le goût des autres :
7 Nicolas