Bubblegum

Clinic

Domino – 2010
par Serge, le 12 janvier 2011
8

Formé en 1997, signé sur Domino deux ans plus tard, un premier album de rock garage épileptique en 2000. Walking with Thee, leur chef d'oeuvre, suit en 2002. Et puis... La même chose. Inlassablement. Invariablement. Des années durant. Du rock'n'roll énervé d'un côté, avec orgues en folie, beat post-punk, guitares abrasives et l'arrogance toute britannique d'une voix nasillarde qui clame des horreurs. Et de l'autre, des ballades un peu mystiques, un peu droguées, dans la veine de ce folk anglais des sixties inspiré des traditions celtiques. Voilà l'histoire, le drame et le génie de Clinic : avoir créé une recette, un son original et puis, n'avoir plus servi que cela. A la louche. Et de plus en plus réchauffé.

La toute bonne surprise de ce sixième album, c'est qu'il ne ressemble justement pas aux autres. Bien sûr, Ade Blackburn ne chante soudainement pas comme Frank Sinatra : son timbre nasillard reste sa marque de fabrique, sa limite aussi. Bien sûr, Clinic reste un groupe toujours prêt à tronçonner sévèrement le bois, à balancer du méchant rock incantatoire barbare et simpliste et même quand ils s'apaisent, on ne sent jamais ces garçons totalement détendus. Ce qui est d'ailleurs un autre trait de leur génie : fabriquer une musique qui semble toujours être source de menaces diffuses, de tensions palpables. Ecouter un disque de Clinic assis dans le salon, c'est la certitude de très vite commencer à s'inquiéter de l'état de la gazinière, à vouloir vérifier 10 fois d'affilée si la porte est bien fermée.

Faussement serein avec sa primauté aux instruments acoustiques et ses compositions gentiment planantes, entre ballades folk et rock midtempo, Bubblegum n'échappe pas à cette règle de conduite. Si le disque peut sonner pastoral, on n'y oublie jamais que les bois, c'est plein de loups. Que dans les champs de blé, la police ne vous retrouve pas facilement. Que sur les belles falaises venteuses, tuer quelqu'un et faire porter le crime au vent, c'est facile. Horreur psychologique, toute britannique. Rien d'original. De la pure new-wave, en fait. Sordide, sentimentale. Une vision de la musique incapable de convertir qui que ce soit mais qui permet toujours la possibilité d'une épiphanie chez les tenants du culte. Accessoirement, le deuxième meilleur album du groupe. Et puis aussi, un disque d'indie-rock bien mieux troussé que ceux de bon nombre de concurrents s'étant pourtant retrouvés parachutés aux plus hautes places des tops de fin d'année. Plaisir d'offrir, joie de recevoir.

Le goût des autres :
8 Jeff 8 Laurent